CNP Assurances - La Banque Postale : comment s'accélère la création du bancassureur public

La Banque postale est en passe de détenir 100 % de CNP Assurances. L’opération doit faciliter le transfert des activités assurantielles non-vie de LBP vers CNP. Et donc faire émerger un bancassureur public.

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CNP Assurances - La Banque Postale : comment s'accélère la création du bancassureur public
La Banque postale détenait 62,8 % de CNP depuis le printemps 2020.

Trois ans après son annonce, le rapprochement entre CNP Assurances et La Banque postale (LBP) franchit une nouvelle étape : la banque entend devenir actionnaire à 100% de la compagnie, dont elle détenait 62,8% du capital depuis le printemps 2020. La filiale bancaire du groupe La Poste a annoncé le 28 octobre le rachat des 16,1% détenus par le groupe BPCE et le lancement d’une OPA simplifiée sur les 21,1% du capital flottant. Sous réserve de l’obtention des autorisations réglementaires et de la réussite de l’OPA, ce rachat total apparaît comme une évolution programmée du projet initié le 30 août 2018 par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, visant à faire émerger un nouveau bancassureur public.

Question de financement

Certes, le timing de son annonce a déconcerté, notamment du côté des représentants syndicaux de CNP Assurances, « mis devant le fait accompli », selon plusieurs élus. Mais « le rachat total était prévu dès le départ, tempère une source proche du dossier, LBP n’avait simplement pas les financements. » L’intégration des résultats 2020 de l’assureur lui en a donné les moyens. Désormais, l’objectif de simplification des relations capitalistiques est atteint. « L’opération n’est pas entièrement une surprise. Avec ce rachat, LBP normalise sa situation vis-à-vis de sa filiale assurantielle et se rapproche du schéma capitalistique classique pour un bancassureur français », explique Marc-Philippe Juilliard, director chez S & P Global Ratings.

Reste à concrétiser le rapprochement industriel des deux structures. Cette étape cruciale passe par le transfert chez CNP des activités d’assurance non-vie développées par les filiales de LBP : LBP Prévoyance, LBP Assurance Santé et LBP Assurance IARD. L’objectif est de faire de CNP le guichet d’entrée unique pour tous les produits d’assurance distribués par LBP auprès de son réseau, et de parvenir à « augmenter le taux d’équipement en assurance vie et en assurance emprunteur des 20 millions de clients » du groupe, comme l’explique Philippe Heim. Aujourd’hui, « ce taux d’équipement en assurance dommages, santé et prévoyance est encore éloigné des 40% à 50% atteints par les acteurs les plus avancés », estime Christophe Angoulvant, associé senior chez Roland Berger. La marge de progression est donc conséquente. « Cela ne veut pas dire que LBP est en retard sur ce sujet, c’est simplement qu’elle s’est lancée sur le marché plus récemment. LBP IARD a été créé en 2010, alors que le Crédit mutuel a commencé sur ce segment en 1970, et Crédit agricole en 1990 », relativise l’expert.

Les trois filiales en partance pour CNP Assurances

  • LBP IARD : LBP IARD est intégralement détenue par La Banque postale depuis le rachat, en 2020, de la participation de 35 % de son capital aux mains de Groupama. La filiale, qui représente le gros des troupes assurances de LBP, propose une gamme de contrats dommages aux particuliers, en matière de couvertures automobile, de MRH, de protection juridique ou de garantie accident de la vie. Avec 2,1 millions de contrats en portefeuille fin 2020, la filiale créée en 2010 réalise un chiffre d’affaires de 399 M€.
  • LBP Santé : Créé par La Banque postale et La Mutuelle générale, LBP Santé, qui fête ses 11 ans, est positionnée sur la complémentaire santé individuelle et l’assurance en cas de survenance de maladie grave. L’entrée au capital de Malakoff Médéric en 2015 ne s’est pas suivie d’un développement du collectif. LBP Santé a dégagé un chiffre d’affaires de 89 M€ en 2020 (174 000 contrats en portefeuille). Son capital est réparti entre LBP (51 %), La Mutuelle générale (35 %) et Malakoff Humanis (14 %).
  • LBP Prévoyance : LBP Prévoyance (ex-Assurposte), créée en 2007, est détenue à 100 % par LBP depuis le rachat, en 2015, des 50 % détenus par… CNP Assurances. La filiale utilise encore l’outil de la compagnie. Présent en individuel, en proposant des produits couvrant l’intégralité des aléas de la vie, aussi bien qu’en collective – en matière de coassurance et de réassurance de contrats d’assurance emprunteurs –, LBP Prévoyance a réalisé un chiffre d’affaires de 481 M€ en 2020.

 

Effet accélérateur

C’est bien pour se donner les moyens de ses ambitions que LBP a décidé de passer du statut d’actionnaire de référence à celui d’actionnaire unique de CNP Assurances (qui n’a pas souhaité s’exprimer dans le cadre de cet article). Comme l’explique Christophe Angoulvant, « la détention intégrale du capital aura un effet accélérateur dans l’intégration des trois filiales chez CNP. Il s’agit d’un vrai levier additionnel de croissance ». Le fait qu’il n’y ait plus qu’un qu’actionnaire unique simplifie juridiquement l’opération. « L’intégration des activités d’assurance non-vie chez CNP sera forcément plus simple si LBP est maître à bord, sans actionnaire minoritaire. Cela facilite le traitement des questions de valorisation lors de transferts d’actifs. L’opération permet au groupe de gagner en fluidité », décrypte Marc-Philippe Juilliard.

Surtout, ce schéma de détention va permettre « un alignement stratégique naturel, mais aussi opérationnel et financier entre les deux sociétés, résume Christophe Angoulvant. Des comités mêlant représentants de la banque et de l’assureur verront sûrement le jour pour travailler ensemble à améliorer la qualité de gestion des sinistres ou au lancement de nouveaux produits, par exemple. Cela représente un gain en efficacité opérationnelle », poursuit l’associé senior de Roland Berger. Enfin, l’alignement sera financier, car, « en plus de la commission versée à la banque en qualité de distributeur, la marge technique des contrats pourrait être partagée entre LBP, son distributeur, et CNP, son producteur ».

Philippe Heim, président du directoire de La Banque postale
« Il s’agit d’un rapprochement entre LBP et CNP, non d’une intégration »

  • L’Argus de l’assurance. Qu’est-ce qui pousse LBP à racheter 100 % du capital de CNP ?
    Philippe Heim.
    Ce projet de rachat s’inscrit pleinement dans la poursuite du rapprochement entre LBP et CNP Assurances, dans la lignée de l’opération dite Mandarine engagée en 2018 pour constituer un grand pôle financier public aux côtés de la CDC et de La Poste. Il se révèle d’ores et déjà fructueux : grâce au travail des équipes, LBP a doublé la part des unités de comptes (UC) dans sa collecte d’assurance vie au 1er semestre 2021. Il était opportun de simplifier notre structure capitalistique par des mouvements conjoints de capitaux de la part de BPCE et LBP. Nous n’avons pas besoin de participation au capital pour développer des partenariats, comme en témoigne le prolongement dans leur contenu actuel des partenariats existants en épargne et prévoyance avec BPCE, jusqu’en 2035.
  • Que change cette intégration pour la gouvernance de CNP ?
    Il faut être précis dans les termes : il s’agit d’un rapprochement entre LBP et CNP, et non d’une intégration. Chacun conservera sa structure juridique et restera soumis à des règles prudentielles et de supervision propres. Et nos orientations sont claires : nous appliquerons une gouvernance de droit commun où un dialogue étroit se noue entre la société et son actionnaire et où la stratégie est arrêtée par le conseil d’administration. Nous souhaitons d’ailleurs conserver un représentant de BPCE au conseil, et des administrateurs indépendants dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui.
  • Quelles sont les conséquences d’un retrait de la cote pour la compagnie ?
    La cotation de CNP, à hauteur de 21,1 % du capital, n’a pas été un facteur déterminant de croissance pour CNP. C’est bien le développement organique et la croissance à l’international, avec les partenariats que CNP a su nouer, notamment au Brésil ou en Italie, qui ont porté sa croissance.
  • Concrètement, qu’attendez-vous, du rapprochement entre LBP et CNP ?
    Avec ce rapprochement, LBP passe d’un modèle historique de banque de détail à celui d’un bancassureur intégré de plein exercice, qui propose toute la gamme des produits d’assurance. En tant que distributeur de produits de CNP en France, il devrait permettre une meilleure coopération opérationnelle et une plus grande fluidité dans les circuits de distribution multicanale. Nous avons l’objectif d’augmenter le taux d’équipement en assurance vie et en assurance emprunteur de nos 20 millions de clients. Le projet fera de CNP le guichet unique d’entrée pour tous les produits d’assurance distribués par LBP auprès de son réseau. Nous lui apporterons nos activités IARD, santé et prévoyance. Son modèle multipartenarial, ouvert et international, n’est absolument pas remis en cause. Au contraire, nous entendons donner à CNP de nouvelles armes, avec une palette d’offres plus large pour conclure tous types de partenariats dans tous secteurs géographique.
  • Quel schéma opérationnel avez-vous retenu pour le transfert des activités d’assurance de LBP vers CNP ?
    Nous travaillons sur un modèle opérationnel cible avec Stéphane Dedeyan (directeur général de CNP Assurances, ndlr) et ses équipes. Il y a plusieurs options sur la table. Ce qui est certain, c’est que le transfert doit s’opérer courant 2022. Le calendrier était annoncé lors de l’opération Mandarine et nous comptons nous y tenir pour ce projet fondamental.
  • Que répondez-vous aux craintes d’un moins-disant social exprimées par les syndicats de CNP ?
    LBP a une tradition de dialogue social approfondi, porté par son ADN de banque citoyenne et son appartenance au groupe La Poste. Nous partageons une proximité culturelle très forte, notamment publique, avec CNP, qui fait de nous des partenaires naturels. Je conduis cette opération en liens étroits avec Véronique Weill (présidente du conseil d’administration de CNP Assurances) et Stéphane Dedeyan, avec évidemment comme objectif que cet arrimage des activités assurantielles de LBP chez CNP se déroule dans les meilleures conditions possibles pour tous.

 

Synergies naturelles

Le rapprochement devrait aussi permettre de dégager des synergies naturelles. « Les activités sont très complémentaires, confirme un proche du dossier. CNP Assurances n’est aujourd’hui présent ni sur le dommages ni sur l’individuel, ce qui facilite le transfert. » Une situation qui évite les risques de doublons inhérents aux opérations de fusion. « Les deux entités entretiennent des relations de longue date et n’interviennent pas sur les mêmes marchés. Il n’y aura pas besoin d’une restructuration trop profonde pour réaliser l’intégration des filiales LBP chez CNP », confirme Marc-Philippe Juilliard. LBP ne détient toutefois pas 100 % du capital de ses trois filiales. De quoi compliquer le transfert ? Pas nécessairement, à en croire une source proche du dossier. « La présence de La Mutuelle générale au capital de LBP Santé n’est pas forcément un souci au regard de sa proximité avec le groupe La Poste. Quant à Malakoff Humanis, le rachat de ses parts pourrait s’accompagner d’un mouvement inverse sur Epsens [société d’épargne salariale codétenue par Malakoff Humanis, AG2R La Mondiale et CNP Assurances, ndlr], avec la cession de la participation de CNP au profit du groupe de protection sociale. »

Si les difficultés d’intégration semblent limitées, reste à trancher sur la forme que revêtira ce rapprochement, qui concerne au total environ 800 salariés. Rien n’a encore été décidé, à en croire le président du directoire de LBP, qui précise que « plusieurs options [sont] sur la table ». Seule certitude : « Le transfert doit s’opérer courant 2022. »

Inquiétudes syndicales

Une situation qui ne rassure pas les représentants des salariés. « L’annonce du rachat du capital de CNP a été un vrai choc. Nous avons posé des questions sur la manière dont seraient intégrées les activités assurance de LBP. Seront-elles filialisées ? Fusionnées ? Pour l’instant, nous sommes sans réponses », regrette Valérie Baron-Loison, représentante CGT de CNP Assurances.

Les organisations syndicales craignent un recul des acquis sociaux et une remise en cause, à terme, du modèle économique de CNP. « Nous avons déjà été informés que, pour des questions de coûts, notre socle social, plus favorable que celui de LBP, ne pourrait pas bénéficier aux centaines de personnes qui vont nous rejoindre. Cela signifie-t-il que nous jouerons les variables d’ajustement et que notre socle social sera dégradé ? », s’inquiètent plusieurs élus. « Comment notre modèle multipartenarial pourra-t-il perdurer si nous avons un actionnaire unique ? », s’interroge un autre.

Philippe Heim se veut rassurant pour les salariés. Après avoir redit son attachement à un « dialogue social approfondi », le président du directoire de La Banque postale assure que le business model de CNP ne sera en aucun cas remis en cause, bien au contraire. « Nous entendons donner à CNP de nouvelles armes, avec une palette d’offres plus large pour conclure tous types de partenariats dans tous secteurs géographiques », affirme-t-il. Et pour cause. Aujourd’hui entièrement tourné sur le marché français, LBP compte faire de CNP sa locomotive pour accélérer son développement à l’international.

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