« On n’a pas de vie privée de toute façon. » Sébastien Le Belzic ne cache pas son désarroi. Journaliste français installé à Pékin depuis 2007, il a décidé de filmer pendant un an le quotidien de sa femme, Lulu, pour comprendre comment le modèle politique chinois conditionne les modes de vie de chaque citoyen.

Avec une caméra de surveillance pour deux habitants, la Chine demeure pionnière en matière de contrôle des populations. Une véritable moissonneuse digitale qui récolte chaque année des milliards d’informations. Au cœur de ce capitalisme de surveillance, le crédit social est une référence : ce système de notation récompense ou réprime les individus selon leurs comportements.

Le crédit social, nouveau logiciel de pensée

Le documentaire retranscrit avec précision les mécanismes de collecte de données relatives à la vie de chaque Chinois via les caméras, la reconnaissance faciale ou les applications sur les smartphones. Les trajets sont constamment filmés, les visages sont identifiés lors des achats quotidiens et les « mauvais élèves » sont exposés à la vue de tous sur de grands écrans dans les villes. Un modèle de société qui rappelle les romans de Huxley ou d’Orwell, où l’économie de marché et la numérisation des pratiques ont entraîné la création d’un nouveau Big Brother.

En s’appropriant les codes d’un blog vidéo, l’histoire intimiste de Lulu réussit à nous faire prendre conscience des dérives que peut engendrer le progrès technologique. Le film questionne notre manière de percevoir l’information en s’appuyant sur des témoignages et des récits historiques. Il rend compte d’une génération de consommateurs aspirant à une retraite paisible, guidée par l’imaginaire du crédit social qui promet sécurité et efficacité. Un scénario pessimiste qui atteste, selon Lulu, d’une triste réalité : « On est en train de nous former comme des robots. »

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