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Acheter des voitures pour les louer, le business florissant de ces particuliers

Sur les plateformes de location de véhicules entre particuliers comme Getaround ou OuiCar, des propriétaires arrivent à dégager un bon complément de revenu. A tel point que certains ont abandonné leur emploi pour en faire leur activité principale.

En mettant en location des voitures, certains dégagent un revenu suffisant pour vivre.
En mettant en location des voitures, certains dégagent un revenu suffisant pour vivre. (iStock)

Par Chloé Marriault

Publié le 7 juin 2022 à 11:41Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

Quand il était en master d'économie à la Sorbonne, Ayman se projetait dans la finance. Il se voyait travailler dans la conformité bancaire pour une grosse entreprise. Depuis, ses plans ont changé. En mars 2020, alors qu'il est en master 1, il achète une Renault Modus d'occasion à 5.000 euros pour la mettre en location. D'autres suivront. Et ce qui devait être un complément de revenu est devenu… une activité professionnelle à temps complet.

Le jeune homme de 24 ans se lance pleinement dans l'aventure avec Pierre, un ami alors salarié dans une agence immobilière. Le duo met ses véhicules en location sur Getaround (ex-Drivy) et OuiCar, deux plateformes de location de véhicules entre particuliers leaders sur le marché français. Des conducteurs peuvent y louer des véhicules pour quelques heures, jours ou semaines. Parmi les propriétaires inscrits sur ces sites, deux profils : ceux qui mettent en location leur véhicule personnel qu'ils n'utilisent pas quotidiennement afin d'amortir le coût d'acquisition et d'entretien, et les autres, comme Ayman et Pierre, qui achètent des véhicules sans les conduire, dans l'optique de faire du profit.

Ils s'implantent dans plusieurs villes. Très vite, ils s'aperçoivent qu'il y a une forte demande et augmentent leur flotte. Aujourd'hui, ils possèdent pas moins de 22 véhicules (des citadines, des utilitaires et des breaks) et visent les 34 dans le courant de l'été. « On n'avait pas imaginé que ça puisse avoir un tel succès », sourit Pierre, 28 ans, qui a repris des études en alternance dans la promotion immobilière. Pour les épauler, ils salarient à temps partiel une assistante administrative.

Des boîtiers connectés pour une gestion allégée

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Leurs véhicules sont stationnés à Brest, Quimper, Limoges, Poitiers, Orléans, Dijon, Besançon… Si cette logistique est possible, c'est grâce aux boîtiers connectés proposés par les plateformes. Ceux-ci permettent aux locataires de déverrouiller le véhicule avec leur smartphone, de récupérer les clés et de les remettre en fin de location sans rencontrer qui que ce soit. De quoi offrir une grande flexibilité, que n'ont pas nécessairement les agences de location classiques.

Evidemment, ce service a un prix. Le boîtier connecté de Getaround coûte 19 euros par mois par véhicule - des frais supportés par les propriétaires. Pour en profiter, le véhicule doit entre autres avoir moins de 10 ans et moins de 150.000 kilomètres au compteur. Chez OuiCar, comptez 29,90 euros par mois pour un boîtier.

Si ces boîtiers amputent leurs revenus, le duo y trouve son compte. « Ça nous permet une gestion assez passive », s'enthousiasment Pierre et Ayman, qui doivent tout de même se déplacer à travers la France pour nettoyer leurs véhicules une fois par semaine. Ils peuvent désormais compter sur l'aide du frère d'Ayman, Mehdi, fonctionnaire, qui s'est associé à eux.

Luke, 34 ans, préfère lui se passer du boîtier et remettre les clés en main propre. Il peut se le permettre car ses 15 véhicules sont concentrés dans l'agglomération toulousaine, près de chez lui.

Lui aussi se dédie à son activité de location. Quand il a commencé en 2019, il était chef de projet dans l' aéronautique et voulait dégager un complément de revenu. Licencié à l'été 2020 en pleine pandémie, il a décidé de s'y consacrer avec sa femme, qui a quitté son emploi de standardiste.

Des sous-locations de voiture

Leurs voitures sont mises en location sur OuiCar, Getaround, et un site que le couple a créé. « On dégage un bénéfice suffisant pour pouvoir vivre décemment, explique Luke. Je gagne à peu près la même somme que dans mon job précédent, et ma femme, un peu plus. » Et d'ajouter : « A la différence près que désormais, on gère notre temps, nos investissements que l'on a une meilleure qualité de vie. »

Pour en arriver là, ils ont puisé dans leurs économies et réinvesti toutes leurs recettes dans l'acquisition de nouveaux véhicules. Mais tous ceux qui mettent en location des voitures sur les plateformes n'en sont pas propriétaires.

Emile, développeur de 27 ans installé à Paris, n'avait pas suffisamment d' épargne pour acheter cinq véhicules comme il le souhaitait. Alors, il a trouvé une entreprise de leasing à qui il loue des voitures pour les… sous-louer.

Il débourse 250 euros par mois pour chacune des cinq Volkswagen Polo louée. A cela s'ajoutent 100 euros de parking dans Paris et en banlieue et 150 euros d'assurance par véhicule. Soit un coût d'environ 500 euros par mois et par véhicule. « Je les mets en location 50 euros par jour. Au bout du 11e jour de location, l'argent va donc dans ma poche. » Sur un an, il vise 15.000 euros de profit avec cinq véhicules, soit 3.000 euros par voiture. Il compte augmenter sa flotte et en devenir propriétaire, en vue de « dégager un revenu suffisant pour embaucher quelqu'un qui s'en occuperait ».

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Fiscalité et contraintes

Bien sûr, la fiscalité vient éroder la rentabilité. Les propriétaires qui mettent en location des véhicules doivent déclarer les revenus qu'ils en tirent aux impôts. A partir de 8.227 euros par an, ils doivent enregistrer leur activité (sous le statut du régime général, en tant que micro-entrepreneur ou en tant que travailleur indépendant) et s'acquitter de cotisations sociales.

Et cette activité demande une certaine logistique. Emile passe un coup d'aspirateur au moins une fois par semaine dans chacun de ses véhicules. Il lui faut aussi transférer aux automobilistes les amendes qu'il reçoit et se rendre régulièrement au garage, en cas de panne ou de carrosserie endommagée. Les assurances de Getaround et OuiCar, comprises dans la commission de 10 % qu'elles prélèvent sur le prix indiqué par les loueurs, lui permettent globalement de réparer ses véhicules sans encombre.

En cas d'accident grave, il arrive que les véhicules ne soient pas en mesure d'être remis en circulation et qu'ils partent à la casse. C'est arrivé à plusieurs voitures de Luke, dont les locataires avaient eu un accident. « Dans ces cas-là, il faut racheter une voiture immédiatement avec nos économies et attendre que l'assurance rembourse - ce qui en prend un mois et demi en moyenne. Mais si l'on n'a pas de trésorerie, on fait une croix sur des rentrées d'argent pendant plusieurs semaines… » Autre élément à avoir en tête : contrairement à l' immobilier où le vendeur d'un bien peut faire un bénéfice à la revente, les voitures voient leur valeur décroître.

On évite à certains d'acheter des véhicules dont ils se serviraient peu

Tom, propriétaire de trois voitures

Malgré ces contraintes, cette forme d'investissement séduit. Tom, vendeur de 22 ans, a sauté le pas à l'été 2021. Il est propriétaire de trois véhicules achetés 28.000 euros au total et mis en location dans le Vaucluse. « Je n'avais pas assez pour investir dans l'immobilier et ça s'est révélé être un bon placement ! » Il dégage chaque mois quelque 600 euros de bénéfice. Outre l'enjeu pécuniaire, il insiste sur le fait que cet investissement lui semble vertueux : « On évite à certains d'acheter des véhicules dont ils se serviraient peu. »

Ce qui le rassure dans ce business : pouvoir facilement faire marche arrière si la rentabilité s'effondre. « Il suffit de retirer en quelques clics les véhicules des plateformes et de les revendre. » Mais ce n'est pas d'actualité. Pour l'heure, le jeune homme espère augmenter sa flotte… pour lui aussi, pourquoi pas en vivre.

Chloé Marriault

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