Où en sont les Français, comment vivent-ils cette période d’inflation inédite depuis quarante ans ? Les témoignages individuels racontent la difficulté à boucler ses fins de mois, mais comment changer d’échelle et mesurer la part de la population française qui a déjà commencé à se serrer la ceinture, en ce premier semestre 2022 ? Une notion floue et difficile à appréhender, sur un temps si court, par la statistique. Le Monde a donc cherché à rassembler des indicateurs, de la donnée publique au signal faible, pour rendre compte du poids de l’inflation dans le quotidien des Français.
L’Insee nous donne une première indication : la consommation des ménages en France est en baisse, de 0,4 % en avril, après – 1,4 % en mars. Dans le tableau de suivi des aides sociales tenu par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), on remarque par ailleurs que 2 698 600 repas à 1 euro ont été distribués en mars à des étudiants précaires, boursiers ou non – un plus haut depuis la généralisation de cette aide à tous les étudiants.
Mais le nombre d’allocataires du revenu social d’activité (RSA) ou de bénéficiaires d’aides au logement reste orienté à la baisse. Pas de dégradation brutale donc, tant que l’on conserve son emploi, alors que le chômage, à 7,3 % au premier trimestre, est à son plus bas niveau depuis 2008.
Et tant que l’on garde son logement. Là non plus, pas d’alerte à cette heure. Ni dans les HLM ni dans le locatif privé on n’observe d’aggravation des impayés de loyers, dont le taux reste, jusqu’ici, inférieur à 3 %. La flambée des coûts de l’énergie ne s’est pas encore traduite par une hausse des charges des locataires. « Le problème est encore devant nous, car le coût réel des charges apparaît en fin d’exercice, lorsque les provisions sont régularisées en fonction des dépenses réelles. Cela risque de faire mal d’ici quelques mois », prévient Marcel Rogemont, président de la Fédération nationale des offices publics de l’habitat.
Hausse des découverts non autorisés
Si les locataires parviennent in fine à payer leur loyer, tous ne s’en acquittent pas sans mal. Les antennes de terrain des grandes associations de solidarité en font le constat chaque jour. « Ici, les demandes d’aide alimentaire restent stables, mais on constate une nette augmentation des demandes d’aide financière pour payer un loyer ou une facture, témoigne Houria Tareb, secrétaire générale de la fédération du Secours populaire de Haute-Garonne. On paye alors directement la somme manquante au propriétaire, au bailleur social ou à EDF. »
Il vous reste 83.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.