COVID-19 : des chercheurs s’intéressent à la vitamine D pour traiter les personnes âgées

Des chercheurs français étudient les effets d’une forte dose de vitamine D, administrée dans les 72h après un diagnostic de COVID-19, sur les personnes âgées fragiles ayant contracté l'infection. Les premiers résultats rapportent une réduction significative du taux de décès chez ces dernières, ce qui relance le débat quant à l’intérêt de cette vitamine dans la prise en charge de l’infection.
Alexandra Bresson
COVID-19 : des chercheurs s’intéressent à la vitamine D pour traiter les personnes âgées iStock/Helin Loik-Tomson

C’est une question qui fait débat depuis les premiers mois de la pandémie de COVID-19 : la vitamine D apporte-t-elle oui ou non un effet protecteur contre l’infection ? L’Académie de Médecine estimait en 2020 que cette piste méritait d’être explorée en partant du constat « qu’une corrélation significative entre de faibles taux sériques de vitamine D et la mortalité par Covid-19 a été montrée » et « que l’administration de vitamine D par voie orale est une mesure simple, peu coûteuse et remboursée par l’Assurance Maladie ». L’Inserm se montre pour sa part plus mitigé sur ce sujet, et indique qu’en « ce qui concerne la COVID-19, malgré de nombreuses publications en ligne et sur les réseaux sociaux concernant la vitamine D, l’efficacité de la supplémentation face à la maladie demeure à ce jour incertaine. » Le National Institutes of Health (NIH) aux Etats-Unis et la Société française de pharmacologie ont d’ailleurs fait passer ce message, précisant pour leur part que les données disponibles ne permettent pas d’affirmer qu’il existe un éventuel effet protecteur contre la maladie.

Ainsi, si au début de la pandémie, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux effets de la vitamine D, il n’est pas encore possible d’affirmer de manière fiable, sur la foi des données actuelles, qu’il est possible de prévenir ou de traiter le COVID-19 dans la population générale par la prise de compléments de vitamine D. Mais des chercheurs du CHU d’Angers ont exploré cette hypothèse pour un cadre précis : les soins des patients âgés à risque élevé de décès. Ces derniers viennent de rendre les conclusions de leur étude baptisée COVIT-TRIAL, labellisée priorité nationale de recherche par l’État, publiées dans la revue scientifique Plos Medicinequi a bénéficié de la participation de neuf hôpitaux français et leurs EHPAD. L’équipe scientifique rappelle que la vitamine D, hormone naturelle, est connue pour ses effets sur le métabolisme du calcium et le risque de fracture, mais aussi pour ses propriétés anti-inflammatoires dans les maladies infectieuses. Elle permettrait par exemple de prévenir les infections respiratoires hivernales, ce qui avait été observé avant l’arrivée du COVID-19.

« La vitamine D a des effets anti-inflammatoires reconnus »

Contrairement aux autres vitamines, la vitamine D ne se retrouve que de façon limitée dans l’assiette (poisson gras, œufs, produits laitiers, en particulier lorsqu’ils sont enrichis en vitamine D). Elle s’acquiert en effet majoritairement par notre exposition au soleil : les rayonnements UVB vont en induire la synthèse en s’exposant 15 à 20 minutes. C’est pourquoi que ce soit en période d’épidémie de COVID-19 ou non, maintenir une alimentation variée et riche en vitamine D est nécessaire pour éviter toute carence. Comme l’explique l’Anses*, la supplémentation peut être recommandée, notamment en hiver, pour des populations considérées comme plus sensibles que d’autres : les personnes âgées de plus de 65 ans, les femmes ménopausées, les enfants ou les femmes enceintes, et ce dans le but de maintenir leur santé squelettique. En effet, la capacité de l'organisme à absorber ou à synthétiser la vitamine D diminuant avec l'âge, les personnes âgées constituent une population particulièrement vulnérable, chez laquelle un faible apport en vitamine D peut se traduire par de l'ostéoporose.

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Or, cette étude initiée par le Pr Annweiler « montre, avec un très haut niveau de preuves, l’intérêt d’une forte dose de vitamine D, administrée dans les 72 heures du diagnostic de Covid-19, aux personnes âgées fragiles qui ont contracté l’infection. », indique ce dernier au journal Ouest France. « Nous avons appris assez rapidement pendant la première vague de la pandémie de Covid-19 que le SARS-CoV-2 entraîne une dérégulation du système rénine-angiotensine via le récepteur ACE2, porte d’entrée du virus dans l’organisme, provoquant un risque de réactions inflammatoires en chaîne (« orage cytokinique ») et un risque de syndrome de détresse respiratoire aiguë souvent fatal. La vitamine D a des effets anti-inflammatoires reconnus et participe à la régulation du système rénine-angiotensine. C’est pourquoi nous avons rapidement imaginé, dès mars 2020, que la vitamine D pourrait aider à lutter contre les formes graves de Covid-19. », se rappelle le Pr Cédric Annweiler. L’étude COVIT-TRIAL est donc lancée en avril 2020, durant la première vague Covid-19, avec deux objectifs principaux.

Une efficacité de la vitamine D démontrée dès le 6e jour du traitement sur la mortalité

Il s’agit en premier lieu d’examiner l’effet sur la mortalité à 14 jours de la supplémentation en vitamine D à forte dose par rapport à une dose standard chez des patients âgés atteints de COVID-19 et à risque d’évolution grave. L’équipe scientifique voulait également préciser la tolérance et la sécurité de la supplémentation en vitamine D à forte dose par rapport à la supplémentation en vitamine D à dose standard. Pour ce faire, 260 patients sont inclus entre avril et décembre 2020 (soit avant l’arrivée des vaccins en France) par les 9 centres français participants (CHU d’Angers, Bordeaux, Limoges, Nantes, Nice, Saint-Etienne, Tours, et les CH du Mans et de Saumur) et dans les EHPAD dépendants de ces établissements. Leur profil était bien spécifique. « Soit des patients âgés de 65 ans et plus atteints de Covid-19 avec des critères d’évolution défavorable (une oxygéno-dépendance), soit des patients âgés de 75 ans et plus atteints de Covid19 sans autre facteur de risque.», précise le Pr Cédric Annweiler. Ces patients ont été répartis au hasard en deux groupes mais savaient quel traitement était administré.

Le premier groupe appelé « Intervention » recevait une dose unique de 400 000 UI de vitamine D (forte dose de vitamine D) dans les 72 h suivant leur diagnostic de COVID-19 tandis que le second groupe appelé « Contrôle » recevait une dose unique de 50 000 UI dans les 72 h suivant leur diagnostic, les patients ayant bien sûr continué à recevoir les soins connus (corticoïdes, oxygène, etc.). Les résultats ont montré que par rapport au groupe « Contrôle », l’administration de la forte dose de vitamine D dans le groupe « Intervention » a été à l’origine d’une réduction statistiquement significative du risque de décès dès le 6e jour après le début du traitement. Une période cruciale puisqu’il s’agit du moment où le fameux « orage cytokinique » soit l’emballement du système immunitaire est susceptible d’aggraver la maladie. Il a également été constaté que cette supériorité d’efficacité de la forte dose de vitamine D perdure sur la mortalité, toutes causes survenues, dans les 14 jours sans entraîner plus d’effets indésirables que la dose de vitamine D standard.

Gare aux risques de surdosage : une supplémentation qui ne se fait pas sans avis médical

« Ce résultat est important et cohérent avec ce que nous savions des effets anti-inflammatoires de la vitamine D, en réduisant très significativement le risque de décès à 14 jours, et en évitant manifestement l’emballement inflammatoire et l’orage cytokinique observés dans les formes graves de Covid-19.», observe ainsi le Pr Cédric Annweiler. A noter qu’en janvier 2021, 73 experts réunis autour de ce spécialiste co-signaient un article dans La Revue du Praticien dans lequel ils appelaient à s’assurer que la population française ait un taux satisfaisant de vitamine D dans le double contexte de Covid-19 et de l’hiver : période au cours de laquelle les taux diminuent naturellement. Fort de cette étude, l’équipe scientifique a toutefois constaté d’après les analyses secondaires une diminution de l’efficacité à 28 jours. Mais ce phénomène était attendu selon les chercheurs, au regard de la durée de vie de la vitamine D prise en dose unique en début d’évolution de la maladie. C’est pourquoi l’efficacité d’une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire suivant la première prise fera l’objet d’une nouvelle étude.

En attendant, et face au risque d’émergence de nouveaux variants et d’échappement immunitaire, ces derniers recommandent « d’atteindre le plus rapidement possible un statut satisfaisant en vitamine D chez les personnes âgées atteintes de COVID-19, en recourant à une supplémentation en vitamine D à forte dose dès le diagnostic posé. » Tout en veillant bien à préciser dans leurs conclusions qu’elle doit toujours s’appliquer en tant qu’adjuvant aux traitements standards de l’infection. Reste que, comme toute supplémentation, celle en vitamine D n’est pas anodine et doit toujours s’effectuer dans le cadre d’une prescription médicale. La posologie doit être adaptée au profil du patient et au degré de sa carence. En effet, même si le risque d’intoxication aigue est faible, des effets indésirables peuvent apparaitre en cas de supplémentation inadaptée. Outre le risque d’hypercalcémie (taux trop élevé de calcium dans le sang), l’excès d’apport en vitamine D peut causer des maux de tête, des nausées et des vomissements, une perte de poids ou encore une fatigue intense.

le 02/06/2022