Complémentaire santé des étudiants : une hausse "exorbitante" qui pose questions
La Fédération générale des associations étudiantes (Fage) dénonce une très forte hausse de la complémentaire santé des étudiants. Un chiffre contesté et contestable au regard des éléments dont on dispose sur la couverture maladie complémentaire des jeunes qui poursuivent leurs études
FRANÇOIS LIMOGE
\ 16h21
Mis à jour 01 Sept. 2022
FRANÇOIS LIMOGE
Mis à jour
01 septembre 2022
Le chiffre a été largement repris par les médias grands publics. Dans le cadre de la présentation de son indicateur du coût de la rentrée, le 16 août dernier, la Fédération générale des associations étudiantes (Fage) a dénoncé une «augmentation exorbitante de nombreux frais immuables» dont ceux des « mutuelles ». « Les frais liés aux complémentaires santé augmentent drastiquement à la rentrée 2022 : un étudiant-e devra débourser en moyenne 411,13€, soit 32,21% de plus qu’en 2021 », peut-on lire dans le dossier de presse. Une progression qui interpelle alors que la Mutualité française affichait, en janvier dernier, une hausse moyenne de 3,4% en 2022 pour les mutuelles qui représentent environ la moitié du marché de la complémentaire maladie !
Un devis auprès des mutuelles étudiantes
Pour arriver à cette hausse de 32,21%, la Fage explique avoir sollicité un devis auprès des mutuelles étudiantes historiques pour un même type de « forfait », garanties intermédiaires si l’on comprend bien les explications. Et c’est en faisant la moyenne de ces devis que l’organisation étudiante arriverait au montant de 411,13€, en hausse donc de plus de 30% par rapport à la moyenne obtenue en 2021 à la suite du même exercice sur des garanties et services identiques.
Cette moyenne n’est pas pondérée. La Fage reconnait ne pas connaître le nombre de souscripteurs pour chacun des forfaits retenus pour le calcul de son indicateur, et donc plus largement la part que représentent ces forfaits dans le total des adhérents. La hausse n’a bien évidemment pas le même impact si elle touche 10% ou 90% des adhérents des mutuelles étudiantes. Et si elle concerne toutes les mutuelles ou seulement l’une d’entre elles.
Heyme conteste l'analyse
Justement, sur les raisons de cette hausse considérable, la Fage évoque la taxe Covid, la réforme du 100% santé, le rattrapage des soins mais également la fusion de plusieurs mutuelles locales au sein de Heyme « qui a induit une harmonisation à la hausse des prix des mutuelles dites « étudiantes » : « C’est la plus importante mutuelle et ses tarifs ont énormément augmenté », souligne Anne-Laure Syrieix, vice-présidente de la Fage.
Une analyse totalement contestée par Benjamin Biale, directeur général de la Smerep et de la Mep. Ces deux mutuelles étudiantes historiques distribuent leurs garanties sous la marque commerciale Heyme. S’il reconnait une forte hausse de la sinistralité sur le dentaire en lien avec le 100% santé, le dirigeant mutualiste pointe « la volonté de préserver les 16-24 ans correspondant à ce que l’on considère comme la population étudiante ». Selon les chiffres communiqués par Heyme pour cette tranche d’âge, les deux premiers niveaux (contrats non responsables) n’ont pas augmenté entre les étés 2021 et 2022 alors que les niveaux 3 et 4 ont respectivement progressé de 7% et 4,45%. Les hausses sont un peu plus marquées pour les âges supérieurs avec par exemple des progressions d’environ 8% à 25 ans.
La fin du régime étudiant de Sécurité sociale
On est bien loin des 30% annoncé par la Fage. Benjamin Biale dément une telle inflation quel que soit le niveau de garanties et la tranche d’âge, comme il se montre très étonné du coût annuel de 411,13€. « Notre panier moyen est de 230€. » Et la hausse « exorbitante » n’est visiblement pas à rechercher chez les autres mutuelles étudiantes. LMDE répond n’avoir pas bougé ses tarifs pour la rentrée 2022. La Smerra révèle n’avoir pas augmenté ses tarifs depuis 2015 ! Et rien ne justifiait de changer de politique cette année comme l’explique son directeur général, Lionel Lérissel : « Nous ne constatons pas de dérapage des dépenses qui nécessiteraient une hausse des cotisations. »
Les mutuelles dites étudiantes n’en ont pas moins souffert de la disparition du régime étudiant de Sécurité sociale décidée par Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat. La gestion de la Sécu obligatoire des étudiants représentait 80 à 85% de leur activité, contre 15% à 20% pour la complémentaire santé. Présentes hier dans toutes les régions, les mutuelles étudiantes ne sont plus aujourd’hui qu’une poignée à proposer une couverture santé : la Smerra, la Smeno, Heyme (Smerep et Mep) et la MGEL (substituée par Harmonie Mutuelle), sachant que LMDE n’est désormais plus qu’une marque de la mutuelle Interiale.
Une majorité d'étudiants couverts par leurs parents
En se focalisant sur les mutuelles dites étudiantes, l’indicateur de la Fage concerne donc une minorité d’étudiants : selon une estimation grossière moins de 10% des quelque 2,8 millions de jeunes poursuivant des études en France. Il n’existe pas de statistiques précises, néanmoins la très grande majorité des étudiants sont couverts – gratuitement ou non - par la complémentaire de leurs parents, d’autant plus depuis la généralisation de l’assurance santé pour les salariés. Les autres peuvent avoir souscrit une couverture auprès de n’importe quel assureur santé … ou ne pas disposer de couverture. Un dernier cas de figure très minoritaire selon une étude de l’IRDES : seuls 3,2% des étudiants n’avaient pas de complémentaire santé en 2019 contre 3,6% pour l’ensemble de la population. Un chiffre qui pourrait toutefois encore être réduit, souligne Benjamin Biale de Heyme, par « davantage de pédagogie » sur le dispositif public de la Complémentaire santé solidaire et les aides proposées par certaines régions.
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