Les banques en ligne à destination des professionnels continuent d'engranger des adeptes. Plus de 400 000 clients en Europe pour Qonto, 150 000 pour Shine dans l'Hexagone, et même plus de 350 000 clients revendiqués par N26 Business... Revue des troupes.

Après avoir bouleversé le marché de la banque pour les particuliers au début des années 2010, le raz-de-marée de la fintech s'est engouffré dans le petit monde de la banque pour les professionnels. Petit monde ? Plus vraiment. Fin octobre 2021, l'agence D-Rating estimait le nombre de comptes pro ouverts en France à plus de 6,6 millions. Un chiffre qui a dû augmenter depuis puisqu'en 2022, plus de 995 000 entreprises individuelles ont été créées.

Et si le marché des pros est longtemps resté entre les mains des banques de réseau (selon D-Rating, les groupes BPCE et Crédit Mutuel caracolent d'ailleurs toujours en tête, avec chacun 1,65 million de comptes pros à leur actif), les nouveaux acteurs se sont fait une place et la concurrence fait rage pour séduire les clients professionnels.

Le dynamisme du marché pro est dû en particulier à la popularité croissante du statut de micro-entrepreneur (64% des entreprises individuelles créées en 2021 l'ont été sous le statut de micro-entreprise) et à une disposition de la loi Pacte de 2019 qui impose aux petits professionnels d'ouvrir un compte séparé pour leur activité pro à partir du moment où ils ont réalisé plus de 10 000 euros de chiffres d'affaires pendant deux années consécutives.

Des colosses et des plus fragiles

Si certains établissements ont mis la clé sous la porte (Paykrom ou Prismea notamment) ou pourraient le faire (Anytime, propriété d'Orange Bank qui va cesser son activité, risque de disparaître), d'autres continuent leur croissance. Lancée en 2017, la banque mobile Qonto, qui s'adresse aux indépendants et aux TPE-PME, compte aujourd'hui plus de 400 000 clients pros en Europe (la France restant son principal marché).

Un succès qu'elle doit en partie à ses tarifs, moins prohibitifs que ceux des banques de réseau. Mais surtout à son positionnement sur le « beyond banking » (« au-delà de la banque »). La fintech se voit comme une application tout-en-un, pensée pour accompagner les entrepreneurs dans leur quotidien avec des services extra-bancaires.

Une stratégie que l'on retrouve également chez les néobanques Shine ou Blank. Dépôt de capital en ligne, gestion des factures et des notes de frais, outils de comptabilité... C'est toute une batterie de services innovants qui s'ouvrent à l'entrepreneur. « Je gère mes factures et mes devis directement depuis l'application », s'enthousiasme Patrick Morvan, UX designer indépendant et utilisateur de Shine. « Si j'ai un nouveau client, j'ai juste à taper son numéro de SIRET et Shine retrouve les coordonnées de l'entreprise ».

Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour un compte pro 100% en ligne. « Tout se fait en quelques minutes, c'est très intuitif. Rien à voir avec mes expériences précédentes dans des banques de réseau », poursuit Patrick Morvan.

BanquesNombre de clients revendiqués
par les établissements
IndépendantsTPEPME
Qonto400 000 (en Europe)
Shine150 000
Blank30 000
Memo Bank400
Hello bankNon communiqué
BoursoBank25 000
MonabanqNon communiqué
Revolut33 000
N26375 000

Compte pro : les banques sont-elles larguées ?

Compte secondaire, plus rarement compte principal

Shine, qui regroupe aujourd'hui 150 000 clients, ciblait principalement les indépendants à ses débuts. Mais depuis son rachat par Société Générale, la fintech voit les choses en grand. Elle a été la première à accepter les dépôts d'espèces, via un partenariat avec Brinks Payment Services. Elle permet également à ses clients de souscrire un prêt professionnel, avec Franfinance (autre société du groupe Société Générale). En 2023, forte de ses 4 offres (dont une Business, destinée plutôt aux sociétés, avec un compte multi-cartes partagé entre associés), Shine s'était fixé pour objectif de muscler son offre à destination des professionnels « issus de secteurs plus traditionnels » et « qui n'ont pas le réflexe de se tourner vers des banques en ligne », comme le commerce, la restauration et les professions libérales.

Car le marché des pros est en réalité beaucoup plus fragmenté et hétérogène que celui des particuliers. Anytime, qui revendiquait l'an passé 100 000 utilisateurs, constatait ainsi des usages différents selon la typologie de professionnels auxquels elle s'adresse. « De nombreux clients, notamment les indépendants, nous utilisent comme compte principal », nous expliquait en décembre 2022 Lauriane Gay, responsable communication d'Anytime. « Mais nous accompagnons aussi des entreprises et des associations dans la gestion de leurs dépenses ». Résultat ? « Plus que comme un deuxième compte, certains de nos clients Grand Compte nous utilisent comme un outil de gestion à part entière », reprend Lauriane Gay. « Nous offrons à ces clients des fonctionnalités complémentaires à ce que les banques proposent ».

Même son de cloche du côté de Memo Bank, qui s'adresse uniquement aux PME avec un chiffre d'affaires supérieur à 1 million d'euros. « Nos clients ont en moyenne 2,5 banques. Certains en ont même jusqu'à 10 », nous précisait l'an passé Jean-Daniel Guyot, fondateur de Memo Bank. Lui aussi mise sur des services bancaires innovants pour convaincre. Et ce avec un certain succès, puisqu'en trois ans d'existence, Memo Bank a rallié plus de 400 PME françaises. Mais c'est aussi son positionnement qui explique la réussite de Memo Bank. « Au cours des 20 dernières années, il y a eu des investissements massifs pour les petites et les grosses entreprises. En revanche, le marché des PME, jugé moins rentable, a été négligé par les banques », constate Jean-Daniel Guyot.

Compte pro : une néobanque en plus de sa banque principale, pour quoi faire ?

Des offres simples et pas chères

Pour finir, une troisième catégorie d'acteurs se concentre sur les services bancaires du quotidien, à l'image de BoursoBank, Hello bank pro, Monabanq, Revolut ou encore N26. Ces établissements ciblent avant tout les micro-entrepreneurs, dont les besoins bancaires sont proches de ceux d'un particulier. Elles mettent l'accent sur la simplicité et une tarification bon marché.

Pour 9 euros TTC par mois, BoursoBank Pro propose par exemple un compte pro en ligne, avec une carte bancaire, l'exonération des commissions de mouvement, l'encaissement de chèques, des assurances, etc. « En moyenne, nos clients pros nous attribuent une note de plus de 8/10 et sont particulièrement satisfaits du tarif limité de 9 euros par mois. Ils sont équipés de 5 produits bancaires et réalisent en moyenne 10 transactions par mois avec leur carte bancaire professionnelle », indiquait l'an passé Xavier Prin, directeur marketing et communication chez BoursoBank.

La banque rose et bleue compte à ce jour 25 000 clients professionnels. Une broutille par rapport aux 5 millions de clients particuliers qu'elle a déjà réussi à convaincre. « Beaucoup de nos clients particuliers sont également des professionnels. Il serait assez naturel de développer notre offre pour avoir cette double relation avec eux », estimait Xavier Prin. Un an après toutefois, l'offre pro de BoursoBank n'a pas encore évolué.

Revolut revendique de son côté 33 000 clients « business ». La néobanque s'adresse à la fois aux micro-entrepreneurs et freelances, avec 3 offres dédiées (dont une gratuite), et aux entreprises, avec 3 formules également. Du côté de Monabanq et Hello bank Pro, le silence est d'or : aucun chiffre n'est communiqué sur la conquête de clients pros.