Règlement en plusieurs fois par carte bancaire : les pièges de ce crédit déguisé

Publié le par Timour Aggiouri

Des magasins, physiques ou en ligne, proposent le paiement en trois ou quatre fois, sans frais pour le consommateur, mais pas sans risque.

À bas bruit, une facilité de paiement proposée par des commerçants, soit en ligne, soit en boutique, est-elle en train de contribuer au risque de surendettement ? Le paiement fractionné par carte bancaire des achats, est proposé par de nombreuses enseignes. En général, ce système est gratuit pour les consommateurs.

Par exemple, la Fnac, qui vend notamment des produits de haute technologie, permet le règlement en trois ou quatre fois pour les achats d’un montant compris entre 149 et 2 000 €. Vous pouvez payer Cdiscount (hautes technologies, ameublement, etc.) en quatre fois, « pour certaines commandes dont le montant est compris entre 5 et 2 600 € », est-il écrit sur le site de l’enseigne de commerce électronique, qui vante l’absence de « formulaire à remplir », mais également de « saisie de RIB » et de « numéro de pièce d’identité ».

Aucun document pour prouver sa solvabilité

Le règlement en plusieurs fois peut constituer un crédit gratuit ou sans intérêts. Mais dans certains cas, des intérêts sont dus par le consommateur, ce qui peut aggraver une situation financière déjà difficile. Pour obtenir un paiement fractionné, le plus souvent, vous n’avez pas à présenter de documents prouvant votre solvabilité : vous devez seulement fournir le numéro de votre carte bancaire.

« L’octroi de ces crédits est trop facile : les commerçants ne questionnent pas les capacités de remboursement, alors même que les acheteurs ne les ont pas toujours, observe dans un entretien à Merci pour l'info Olivier Gayraud, juriste à l’association Consommation, logement, cadre de vie (CLCV). Je ne jette pas l’opprobre sur les consommateurs, mais beaucoup de gens se prennent de plein fouet la société de consommation et achètent des biens alors qu’ils n’en ont pas les moyensLe paiement par carte bancaire est une manière d’industrialiser l’ancienne pratique du dépôt de plusieurs chèques pour un seul achat auprès du commerçant du coin, pratique qui reposait sur la confiance. »

Si l’achat doit être réglé sur une période supérieure à trois mois et pour un montant supérieur à 200 €, il s’agit d’un crédit à la consommation, aux règles particulièrement protectrices pour les personnes qui le souscrivent. « Quel que soit le type de crédit à la consommation, crédit classique ou crédit renouvelable, le prêteur a une obligation de conseil envers le consommateur », rappelle Olivier Gayraud. Sur l’offre de prêt, le coût total du crédit est mentionné.

Pour éviter le cadre du crédit à la consommation, les vendeurs proposent un paiement fractionné sur trois mois. Si vous réglez en quatre fois votre achat auprès de Cdiscount, les échéances sont dues le jour de la commande, le 30e jour suivant, le 60e jour suivant et le 90e suivant.

Les motifs de refus

Le paiement fractionné peut être refusé dans certains cas aux clients, notamment si :

  • vous utilisez une carte à autorisation systématique ;
  • la date d’échéance est inférieure à la durée du crédit.

Selon le site d’informations MoneyVox, un refus est possible si l’organisme de crédit soupçonne une fraude, comme une usurpation de numéro de carte ou une opposition injustifiée sur la carte. Les organismes de crédit font une analyse automatique de chaque demande de facilité de paiement à partir « d’un faisceau de données contextuelles (heure de l’achat, type de carte, type de bien acheté, localisation, etc.), qui leur permettent d’évaluer un risque statistique de fraude », précise MoneyVox.

Astuce

« Un cheval de Troie du crédit renouvelable »

Le professionnel vous proposant un paiement fractionné peut recourir à un organisme de crédit. Dans cette situation, en cas de difficultés de remboursement, « des relances peuvent vous être adressées par voie d’huissier. L’entité financière peut aller en justice obtenir un titre exécutoire pour saisir vos biens », souligne Olivier Gayraud.

Le juriste est d’autant plus critique à l’égard du paiement fractionné qu’il y voit « un cheval de Troie du crédit renouvelable. De nombreuses enseignes conditionnent la possibilité de choisir le paiement fractionné à la souscription d’une carte de fidélité, à laquelle est associé un crédit renouvelable ». Le crédit renouvelable, très onéreux, est une cause de surendettement.

Pour l’heure, la Banque de France n’a pas enregistré de situations de surendettement liés à des pratiques de paiement fractionné, mais ces pratiques apparaissent de « plus en plus » au sein des « dossiers de regroupement de crédit », rapporte Le Figaro.

Olivier Gayraud note que l’Union européenne (UE) prépare un projet de directive destiné notamment à mieux encadrer le paiement fractionné. En attendant la future entrée en vigueur de règles, choisir le paiement fractionné impose discernement et auto-discipline.

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