Lorsque les assureurs de voitures estiment que leurs clients ont déclaré trop de sinistres, ils les radient, même si les dommages ont été causés par des tiers (vol, emboutissage par l’arrière…). Si France Assureurs affirme « n’avoir pas de chiffres », plusieurs centaines de milliers de contrats seraient, selon 60 millions de consommateurs, résiliés chaque année pour cause de « sinistralité ». Les conducteurs doivent alors trouver une nouvelle compagnie et payer des primes plus élevées, du fait que leurs coordonnées ont été enregistrées sur le fichier de l’Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance, que consultent les professionnels.
Pour éviter ce risque, ils ont une parade : en cas d’accident dont ils ne sont pas responsables mais dont le tiers est identifié, ils peuvent ne rien déclarer à leur assureur, et entreprendre une « action directe » auprès de celui de la partie adverse. Le droit à l’action directe a été créé par la jurisprudence de la Cour de cassation à partir du 14 juin 1926, et transposé par une loi de 2007 dans le code des assurances, dont l’article L. 124-3 énonce : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. »
Un article à la place de l’autre…
En mai 2018, Mme X décide d’user de ce droit lorsque sa voiture, garée sur un parking, est percutée par celle de Mme Y. Forte d’un constat amiable, elle demande à un expert indépendant d’évaluer le coût des réparations nécessaires. Elle envoie son devis (2 000 euros) à ACM Iard, assureur de Mme Y, afin qu’il l’indemnise. Celui-ci ne répond pas.
Mme X l’assigne devant le tribunal d’instance d’Haguenau (Bas-Rhin) grâce à l’aide juridictionnelle. ACM lui reproche alors d’avoir « court-circuité le processus habituel de règlement des sinistres », et de s’être adressée à un expert « privé », dont le rapport ne serait pas « contradictoire ».
La filiale du Crédit mutuel assure en effet que « l’article L. 113-2 du code des assurances » lui faisait obligation de déclarer le sinistre à son assureur. Ce que le tribunal valide, le 16 mai 2019. Pourtant, l’article invoqué concerne le délai dans lequel l’assuré, s’il souhaite déclarer un sinistre, peut le faire.
Mme X se pourvoit en cassation, grâce, de nouveau, à l’aide juridictionnelle. Son avocat, Me Denis Carbonnier, rappelle que « la recevabilité de l’action directe n’est pas subordonnée à la déclaration préalable du sinistre, par la victime, auprès de son propre assureur ». Il explique que le tribunal a appliqué un article (L. 113-2) à la place d’un autre (L. 124-3).
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