Invité de la rédaction

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février 23, 2022 Non Par Invité(e)s

Franca Renzi Ferraro
Directrice de l’Ecole supérieure en prévoyance professionnelle
Experte diplômée en assurances sociales
Spécialiste en finance et comptabilité avec Brevet fédéral

Les besoins de formation dans la prévoyance professionnelle !

Lacunes dans les connaissances

La prévoyance est l’une des principales préoccupations de la population suisse et c’est un système si complexe que même les personnes qui devraient s’y connaître risquent de s’y perdre. Sans parler du grand public, dont le manque de connaissances est souvent mis en évidence. La difficulté à faire passer des réformes en est probablement une conséquence.

La mission d’institutions proposant des formations dans ce domaine est d’autant plus cruciale que leur public cible potentiel est quasi infini. L’ESPP – Ecole supérieure en prévoyance professionnelle – est l’unique institution de formation en matière de prévoyance professionnelle en Suisse romande qui dispense des formations certifiantes aux professionnels et qui s’attelle aujourd’hui à élargir sa palette de formations afin de toucher un public beaucoup plus vaste. Au vu du manque de connaissances en matière de prévoyance professionnelle du grand public, les professionnels du secteur doivent, aujourd’hui, pouvoir guider, assister et répondre avec une vision globale aux attentes des entreprises et des assurés.

Responsabilité et disparition des fondations de prévoyance propres aux entreprises

Nous constatons depuis une bonne dizaine d’années que les petites et moyennes entreprises font le choix de s’affilier auprès d’une fondation collective, au détriment de leur propre fondation de prévoyance. Les fondations de prévoyance propres disparaissent peu à peu. Cela reflète bien le fait que les personnes responsables des questions de prévoyance n’ont pas le temps, ni les connaissances ou la volonté de s’en occuper, ou ne souhaitent pas assumer de responsabilités.
Les fondations collectives, elles, doivent assurer la formation de leurs jeunes gestionnaires, mais n’ont également pas suffisamment de temps à disposition pour le faire.

Les entreprises doivent aussi assumer leur rôle, pour prendre des décisions d’affiliation à une institution de prévoyance en connaissance de cause et pour discuter des solutions de prévoyance possibles avec leurs collaborateurs.
Cette question-là monte dans l’ordre des priorités, aussi parce qu’une individualisation est indéniablement en cours.

Enjeux de la prévoyance

L’objectif de la prévoyance professionnelle corrélée au 1er pilier de la prévoyance vieillesse suisse, l’AVS, consiste à garantir un niveau de vie adéquat à la population âgée et de prévenir la précarité.

Ainsi, la Suisse réussit mieux que ses voisins à éviter que des personnes âgées ne sombrent dans une pauvreté sévère. Certes, la proportion de personnes retraitées disposant de moins de 60 % du revenu médian et qui, par conséquent, risquent de se retrouver dans une situation de précarité est supérieure en Suisse. En revanche, la proportion des personnes âgées incapables de subvenir aux besoins matériels de base est nettement plus faible, alors que, dans les pays voisins de la Suisse, ce cas de figure est significativement plus fréquent.

Presque tous les pays industrialisés sont confrontés à un vieillissement de leur population. Les pays prônant des systèmes de prévoyance vieillesse fonctionnant essentiellement par répartition devront financer les rentes d’un nombre de retraités en augmentation constante par les cotisations d’une population active qui s’amenuise. De nombreux pays cherchent à contrecarrer ce problème en misant davantage sur les retraites capitalisées.

La Suisse est relativement bien lotie, puisque, comparée aux autres pays, elle fait partie de ceux qui disposent du patrimoine prévoyance le plus important.
La problématique liée à notre espérance de vie, la baisse du rapport entre le nombre d’assurés actifs et le nombre
de rentiers ainsi que le niveau bas du rendement de la fortune sont donc les défis majeurs pour le 1er et le 2e pilier.
L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes est inévitable, il faut s’y préparer psychologiquement.

Au niveau de la réforme de la LPP, un processus politique intense nous attend. Nous devons réussir à convaincre le Parlement des avantages du modèle de réforme proposé par l’Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP).
Ce modèle améliorera la situation des assurés à faibles revenus et des employés à temps partiel et garantira le niveau actuel des rentes malgré la baisse du taux de conversion minimum LPP, et ce, sans prélèvements salariaux inutiles.

Epargner pour conserver sa qualité de vie à la retraite – mieux former les jeunes

Le financement de nos prestations de retraite est donc un sujet qui s’invite régulièrement autour de la table. La constitution d’une épargne de prévoyance, professionnelle et privée, représente ainsi, plus que jamais, la clé de voûte d’une vie postprofessionnelle paisible.
En sensibilisant toutes les générations, surtout nos jeunes, sur l’importance de
la capitalisation de nos avoirs en prévoyance, nous pourrons avoir une chance de profiter pleinement de notre retraite.

Il est cependant vrai que les jeunes perdent confiance dans ce système, en partie parce qu’ils ne le connaissent pas ou peu et parce que certains médias peuvent expliquer de manière erronée
son fonctionnement. Les jeunes devraient pouvoir, dans ce contexte, être mieux formés dans le domaine de la prévoyance dès l’école postobligatoire.

En attendant la réforme LPP, un jeune employé a tout intérêt à épargner le plus rapidement possible. Se constituer une épargne individuelle, notamment au moyen du 3e pilier, pour compléter la prévoyance du 1er et du 2e pilier devient d’autant plus indispensable dans le contexte financier actuel.

Rôle de la technologie

Dans un monde qui change, qui voit les styles et les enjeux de vie évoluer en profondeur, les institutions de prévoyance ne peuvent plus se permettre d’être uniquement des « caisses » qui encaissent des cotisations et payent des rentes. Pour le moins, elles doivent concevoir leur rôle en termes de « services aux assurés », ces derniers ayant de plus en plus besoin d’être accompagnés dans l’appréhension de leurs risques de vie. Nul doute que la formation et la technologie jouent, et joueront encore, un rôle central dans cette évolution.

Malgré un certain nombre de révisions, le système de prévoyance suisse peut être considéré comme relativement stable. L’informatisation des systèmes a permis de mettre en place des processus d’automatisation et d’exécution en masse, facilitant de manière drastique la réalisation des tâches quotidiennes et permettant
une augmentation radicale des volumes traités.

Aujourd’hui, un grand nombre de fondations de prévoyance ne sont toujours pas à la pointe de la technologie. Il y a encore du chemin à faire !

Si ces outils ont grandement contribué à faciliter les tâches des gestionnaires, il apparaît aujourd’hui, avec l’intégration des nouvelles évolutions technologiques, que le niveau de satisfaction des utilisateurs n’est pas toujours optimal. Les méthodes de développement des solutions de gestion sont à remettre en question.