Bancassureurs : une activité santé contrastée
Les bancassureurs s’avèrent encore marginaux sur le marché de la complémentaire santé. Priorité de développement pour les uns, activité non couverte pour les autres, la stratégie de tous pourrait cependant évoluer après l’élection présidentielle.
Sybille Vié
\ 14h58
Sybille Vié
Avec seulement deux représentants parmi les trente plus gros acteurs de l’assurance santé, les bancassureurs peinent à prendre leur part sur ce marché très concurrentiel. « Ils pèsent 2 Md€ de primes sur un marché qui en totalise presque 40 Md€, confirme Christophe Angoulvant, senior partner au sein du cabinet de conseil Roland Berger. En individuel, là où ils sont les plus forts, ils représentent 10 % des parts de marché. Un chiffre à mettre en perspective avec les 20 % qu’ils occupent en assurance auto ou les 25 % en habitation. »
De là à conclure que la santé serait le parent pauvre de la bancassurance, il n’y a qu’un pas… difficile à franchir, même si aucun de ses représentants n’a souhaité s’exprimer sur le sujet. « Il est impossible de faire des généralités. Certains acteurs sont très avancés comme Crédit agricole Assurances ou les Assurances du Crédit mutuel. Les Assurances du groupe BPCE, au contraire, ne font pas du tout de santé à date. Il existe une vraie diversité sur la santé qui ne se retrouve pas sur d’autres segments d’activité », explique Christophe Angoulvant.
Seulement deux bancassureurs dans le top 30 de la santé
- 973 M€ Crédit agricole Assurances12e rang
- 796 M€ groupe des ACM 17e rang
Nb : CNP Assurances, qui n’a pas souhaité répondre à l’enquête, serait classé 20e d’après nos estimations.
source : top 30 de la santé 2021 (chiffres 2020) - l’argus de l’assurance
Des stratégies différentes
Une situation très contrastée qui s’explique tout d’abord par les choix stratégiques opérés par chacun. « Il ne faut pas oublier que la santé ne fait pas partie des activités cœur de ces acteurs : la majorité s’y sont intéressés il n’y a que quelques années », rappelle Chloé Parfait, principal Actuarial & Financial Services chez Optimind et actuaire. Et pour cause : il faut attendre les années 2005-2010 pour voir les premiers se lancer.
>> À retrouver : notre classement exclusif 2022 de la bancassurance (sur l'exercice 2021)
C’est la mise en œuvre de l’ANI qui incitera ceux qui n’ont pas encore sauté le pas à se poser des questions. « L’entrée en vigueur de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise était une opportunité importante que tous ont examiné avec beaucoup d’attention », confirme Chloé Parfait. Quelques années plus tard, le bilan est nuancé. « Certains ont réalisé des investissements conséquents et ont réussi à se faire une petite place sur le marché, d’autres ont fait le choix de nouer des partenariats avec plus ou moins de succès, d’autres encore conservent une activité négligeable afin de proposer une offre complète à leurs clients », détaille la principal du cabinet Optimind.
La faible pénétration sur le marché de la santé des bancassureurs tient aussi aux spécificités du produit. « Que ce soit en habitation ou en auto, l’assurance est un produit dérivé qui accompagne la souscription d’un crédit. La santé ne répond pas du tout à la même logique. De plus, la gestion des prestations est bien plus complexe. Il faut choisir de recourir à un gestionnaire externe ou développer sa plateforme en interne, c’est un vrai choix », décrypte Christophe Angoulvant.
La santé, un marché spécifique…
Pour les réseaux commerciaux aussi, la santé est un produit à part, assez compliqué, avec des options et des choix de garantie à proposer. « Vendre ces produits demeure assez complexe. Cela nécessite de former les commerciaux, prévient Chloé Parfait. D’ailleurs, ce travail d’acculturation est aussi à mener du côté des clients, pour qui il n’est pas naturel de se tourner vers leur banquier pour se couvrir en santé. »
Malgré ces éléments, « les assureurs grignotent des parts de marché au détriment des mutuelles et des groupes de protection sociale. Parmi eux, les bancassureurs sont ceux qui tirent le plus leur épingle du jeu, même si les disparités sont fortes d’une entité à l’autre », conclut l’associé du cabinet Roland Berger. Une tendance soulignée par les derniers chiffres publiés par France Assureurs. En 2020, les cotisations en assurance santé représentaient 13,7 Md€, contre 11 Md€ cinq ans plus tôt, et 9,5 Md€ en 2011. Une croissance notamment portée par des compagnies comme Axa, Allianz ou Swiss Life, mais aussi par quelques bancassureurs. Sur la même période, ni les institutions de prévoyance ni les mutuelles ne peuvent se prévaloir d’une telle croissance.
… et cher !
« Il faut s’attendre à ce que cette dynamique se poursuive, confirme Christophe Angoulvant. Les banques visent de plus en plus une approche globale du client dans laquelle la santé a toute sa place, puisque c’est un vrai enjeu de revenus pour elles. Il ne faut pas oublier que les primes moyennes d’assurance santé s’élèvent à 850 €, contre 350 € en auto ou 260 € en habitation. »
Concrètement, plusieurs axes de croissance coexistent. « Les opportunités de développement ne manquent pas », confirme Chloé Parfait. En individuel, les TNS pourraient constituer un vrai relais de croissance. « En plus des séniors, un segment sur lequel il reste encore de la place mais qui est très coûteux, les indépendants incarnent un axe logique de développement pour un bancassureur qui peut faire jouer les synergies avec son activité bancaire, par exemple », détaille-t-elle.
En collective, la croissance serait davantage à chercher du côté des fonctionnaires. « Le vote l’année dernière de l’ANI Fonction publique pourrait intéresser les bancassureurs, car tous les fonctionnaires sont loin d’être couverts. C’est une réelle opportunité de marché », poursuit l’experte. Les bancassureurs, même s’ils ne font pas tous de la santé une priorité, devraient continuer à croître sur ce segment. La stabilité législative agirait comme un catalyseur. « L’incertitude réglementaire de ces dernières années avec, par exemple, les derniers débats autour de la Grande Sécu n’encouragent pas à se lancer, pointe Christophe Angoulvant. Le résultat de l’élection présidentielle pourrait déclencher des changements de stratégie de la part de certaines banques en assurance santé. »
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