Legs avec charge : donner plus aux autres et moins au fisc

Publié le 10 mai 2022 à 15:29 Mis à jour le 10 mai 2022 à 15:29
notaire
Peu connue, cette forme de transmission s'adresse aux personnes qui veulent léguer tout ou partie de leurs biens à des membres éloignés de leur famille, à des tiers ou à une œuvre.

Une succession organisée

Les personnes qui veulent gratifier un membre de leur famille en particulier ou un tiers (une personne avec laquelle elles n’ont pas de lien de parenté) doivent anticiper la transmission de leur patrimoine. Certains héritiers, lorsqu’ils sont présents à une succession, sont désignés par la loi comme “réservataires”. Cela signifie qu’ils percevront forcément une partie du patrimoine du défunt, appelée réserve héréditaire. Mais il est possible de disposer librement de l’autre partie de son patrimoine, la quotité disponible, et de la transmettre à qui l’on veut. Les personnes qui n’ont pas d’héritiers réservataires doivent, elles aussi, organiser la transmission de leurs biens. À défaut, les règles prévues par le Code civil pour régler une succession (les juristes parlent de “dévolution successorale”) s’appliquent automatiquement : les parents, s’ils sont encore vivants, les frères et sœurs, les neveux et nièces, ont vocation à hériter.

Pour léguer la totalité de ses biens à un tiers ou à un membre éloigné de sa famille (un petit-neveu, une cousine…), ou encore à une association dont on partage la cause, il existe trois possibilités. D’abord, effectuer des donations (de son vivant), mais il faut alors avoir conscience que cela revient à se déposséder immédiatement d’une partie de ses biens. Ensuite, souscrire une assurance-vie, sous réserve de disposer de liquidités suffisantes et d’épargner de préférence avant ses 70 ans, pour que chaque bénéficiaire puisse se prévaloir de l’abattement actuel de 152 500 € sur les sommes qu’il recevra (au-delà, les droits de succession s’appliquent). Enfin, lorsque l’on possède une surface financière limitée ou circonscrite à des biens immobiliers, par exemple, il reste la rédaction d’un testament. Celui-ci peut être olographe, c’est-à-dire rédigé, daté et signé de la main du testateur. Il ne faut pas oublier de le faire enregistrer, par un notaire, au Fichier central des dispositions des dernières volontés (FCDDV). Cette formalité permet d’être certain qu’il ne sera ni perdu ni ignoré. Il peut aussi être authentique : un notaire le rédige, assisté de deux témoins, puis l’inscrit au FCDDV. Dans tous les cas, le testament a l’avantage de n’être pas figé dans le temps : vous pouvez le modifier à tout moment, partiellement ou totalement.

Des droits élevés dont il faut tenir compte

Pour transmettre des biens quels qu’ils soient (logement, voiture, meubles… ) à des membres éloignés de la famille ou à des tiers, il faut bien avoir conscience du niveau des droits de succession que les bénéficiaires désignés dans le testament (les légataires) devront payer. Ils sont particulièrement élevés : 55 % pour un neveu et pas moins de 60 % pour une personne n’ayant aucun lien de parenté ! Pour un legs de 100 000 € à un ami proche, celui-ci devra s’acquitter de 60 000 € de droits (100 000 € x 60 %). In fine, il ne percevra que 40 000 € (hors frais de notaire).

Le choix préalable d’une association

Cette lourde ponction fiscale n’est pas une fatalité. Au lieu d’un legs classique gratifiant telle personne directement, mieux vaut s’orienter, avec l’aide d’un notaire, vers un “legs avec charge”, également appelé “legs net de frais et de droits”. Ce dispositif, peu connu, fonctionne en deux temps. Tout d’abord, le testateur désigne en tant que légataire un organisme à but non lucratif dont il partage les valeurs. Il peut s’agir d’une association ou d’une fondation, l’important étant qu’elle soit agréée par le ministère de l’Intérieur. Elle doit pouvoir être rapidement identifiée par le notaire chargé de la succession, ce qui suppose d’indiquer clairement dans le testament ses nom, raison sociale et adresse complète. L’organisme recevra tout ou partie des biens du testateur, selon qu’il a été préalablement désigné légataire universel, à titre universel ou légataire à titre particulier. Dans un second temps, le testateur prévoit une “charge”, dont l’organisme légataire devra s’acquitter. En l’occurrence, celle de reverser une certaine somme d’argent, nette de frais et de droits, au profit d’une personne physique nommément désignée.

Bénéfice d’un mécanisme fiscal spécifique

Avec ce montage juridique, la personne que l’on souhaite gratifier bénéficie de la même somme que celle qu’elle aurait perçue dans le cadre d’un legs classique, après paiement des droits de succession. Si l’on reprend le précédent exemple, cela signifie que l’organisme choisi est désigné légataire à hauteur de 100 000 €, avec la charge de reverser à l’ami du testateur 40 000 € (la somme nette de tous frais et droits qu’il aurait reçue par un legs classique). De ce point de vue, pas de différence avec la formule classique. Pour autant, ce mécanisme permet au testateur de transmettre également une somme à l’organisme caritatif qu’il a préalablement choisi. Comment ? Tout simplement du fait que les associations reconnues d’utilité publique, répondant à certaines caractéristiques (œuvre d’assistance et de bienfaisance, défense de l’environnement, protection des animaux… ), sont totalement exonérées de droits de succession sur les legs (et dons) qui leur sont destinés (art. 795 du Code général des impôts). Dans le legs avec charge, l’organisme acquitte des droits uniquement sur la part qu’il doit transmettre, à son tour, à la personne désignée par le testateur, et conserve le solde sans rien payer pour cela. Si l’on reprend l’exemple d’un legs de 100 000 € avec la charge d’en reverser 40 000 € à l’ami du testateur, l’organisme versera 60 % de droits de succession, mais uniquement sur la somme rétrocédée de 40 000 €. À savoir 24 000 € de droits (40 000 € x 60 %). En parallèle, et c’est tout l’intérêt du dispositif, l’organisme conserve la différence. Dans notre exemple, la somme de 36 000 € (100 000 € – 40 000 € – 24 000 €). Le testateur a ainsi gratifié une cause lui tenant à cœur, en plus de son ami, qui est déchargé de toute démarche relative au paiement des droits de succession.

Les différents types de legs

La loi définit trois types de gratification par testament (les legs).

Le legs universel prévoit que l’ensemble des biens du testateur est transmis à une ou à plusieurs personnes (art. 1003 et suivants du Code civil), exception faite, le cas échéant, de la part revenant aux héritiers réservataires.

Le legs à titre universel, quant à lui, porte soit sur une certaine partie des biens du testateur (le quart, par exemple), soit sur une catégorie de biens : les biens immobiliers, les voitures… (art. 1010 et suivants).

Enfin, le legs à titre particulier permet de transmettre un ou plusieurs biens précisément désignés (par exemple, tous les tableaux) à une seule personne.

Vers qui se tourner ? Les coordonnées des associations françaises reconnues d’utilité publique (Arup), à l’exception des fédérations sportives, sont disponibles ici.

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