Young teenager at home with a smartphone using the Vinted app to sell his clothes

Dans la "France de la débrouille", le marché de l'occasion en ligne et les applications rémunératrices aident à faire face à la hausse des prix.

PHILIPPE TURPIN / PHOTONONSTOP / PHOTONONSTOP VIA AFP

"En ce moment, je vends toute ma garde-robe en ligne", plaisante Marlène. Cette animatrice périscolaire de 32 ans, qui vit dans l'Oise, n'avait plus utilisé de sites de vente d'occasion depuis le grand tri précédant son emménagement avec son conjoint il y a des années de cela. Mais depuis quelques semaines, Marlène a fait son grand retour sur ce marché. "Avec la hausse des prix, je finis tous les mois dans le rouge et je suis obligée d'aller piocher 50 ou 100 euros dans mes économies", raconte la jeune femme un brin amère. Pour éviter de voir son épargne fondre comme neige au soleil, cette maman d'un petit garçon de 2 ans a mis en vente des vêtements, son ancien blouson de moto, une lampe, "et des babioles qui traînaient dans la maison". Bilan : une centaine d'euros récupérés en moins d'un mois. Son terrain de jeu préféré ? Facebook Marketplace. "C'est pratique et rapide", explique-t-elle.

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Comme Marlène, de nombreux Français sont en train de se ruer sur la version 2.0 des brocantes et friperies afin d'arrondir leurs fins de mois. Une bonne nouvelle pour les mastodontes comme Leboncoin, les nouveaux arrivants comme Vinted ou l'inoxydable Facebook, sa Marketplace et ses nombreux groupes dédiés aux bons plans. Selon une récente étude de l'Ipsos pour eBay, 58 % des Français revendent déjà leurs affaires inutilisées en ligne, contre 46 % trois ans auparavant, et 69 % envisagent de vendre davantage dans les prochains mois pour augmenter leur budget. Si les vendeurs sont de plus en plus nombreux, les acheteurs se pressent également au portillon : 69 % des Français pensent acheter davantage de produits d'occasion dans les mois à venir. "Les Français considèrent que l'inflation va continuer à s'accélérer, et ils ont déjà joué sur certains leviers, comme la baisse des dépenses ou la course aux prix bas, et passent à l'étape d'après, celle de la vente et de l'achat d'occasion", analyse Franck Lehuédé, directeur d'études et de recherche au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc).

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Le phénomène n'est certes pas totalement nouveau et le marché de la seconde main en ligne est en pleine forme. Un des marqueurs de cette "France de la débrouille" décrite par Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop, et Jean-Laurent Cassely, journaliste (et chroniqueur à L'Express) dans leur ouvrage La France sous nos yeux (éd. Seuil). "En moyenne, cela apporte un petit complément de revenu de 60 euros : ce n'est pas énorme, mais cela peut payer un plein d'essence, c'est toujours ça de gagné", décrit Franck Lehuédé. Notre pays est d'ailleurs le champion du monde du marché de l'occasion en ligne. "Et la région Hauts-de-France arrive en tête dans l'Hexagone", indique Sarah Tayeb, directrice des ventes d'eBay France. Non par tradition de la "réderie" (brocante, en picard), mais bien pour des raisons économiques.

Cashback, coupons de réduction et marche à pied

Une nécessité qui commence à faire tache d'huile au-delà des classes populaires et du bas de la classe moyenne avec la flambée d'inflation qui traverse le pays depuis quelques mois. "Avec un budget de 7 000 euros par mois, nous faisons partie des "riches", mais avec les crédits, les charges, les impôts et le budget alimentation, nous finissons tous les mois en déficit", explique Charlotte, responsable SEO de 41 ans, qui vit en petite couronne parisienne, et a décidé de passer à la seconde main en ligne pour les vêtements de ses deux enfants, les meubles et les livres. Murielle, professeur de 56 ans, a elle aussi basculé récemment, mais côté revente sur Vinted, et récolte entre 50 et 100 euros par mois. "Nous ne sommes pas à plaindre, même si la hausse des prix grignote notre budget, mais la revente en ligne nous permet de nous constituer une petite cagnotte dont nous allons nous servir pour continuer à nous faire plaisir pendant les vacances", raconte-t-elle. Pour son "business", elle a même investi dans un mannequin afin de mettre en valeur les vêtements sur les photos, et a consacré une journée de ses vacances à la mise en ligne de la collection printemps-été. "Je pratique des petits prix, 1 euro la polaire par exemple, alors ça part facilement", précise-t-elle.

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Cette version 2.0 de la débrouille ne se décline pas que sur l'achat et la vente d'occasion. Sur les stores et sur le Web, les applications et les sites Internet qui permettent d'économiser ou de gagner un peu d'argent, pour payer les factures, ne pas toucher à ses économies, ou conserver un "budget plaisir" font florès. Sébastien, agent immobilier de 38 ans, est lui adepte depuis quelques mois du cashback - c'est-à-dire du remboursement d'une partie de ses achats - ou des coupons de réduction numériques via Shopmium, Quoty ou Coupon Network : "J'arrive à économiser 30 % de mon budget courses grâce à cela, en y consacrant deux heures par semaine. Certains arrivent à aller jusqu'à 60 %, mais cela demande beaucoup plus de temps !". Une "radinerie" devenue une "nécessité" afin de garder une petite marge de manoeuvre en cas de coup dur.

Elodie, une animatrice de 31 ans, utilise elle aussi Shopmium pour économiser sur ses courses, mais de manière moins régulière. Sur son téléphone d'autres applications sont consacrées à l'amélioration de son pouvoir d'achat. Grâce à Too Good To Go, elle récupère de temps en temps des paniers d'invendus alimentaires à prix cassés. Et avec WeWard, une application qui rémunère les utilisateurs en fonction de leur nombre de pas, elle accumule des "Wards" qu'elle pourra bientôt convertir en euros sonnants et trébuchants, ou en cadeaux. "J'ai mis une alarme pour penser à valider le nombre de pas le soir, car il faut être un peu rigoureux pour réussir à accumuler un montant intéressant", confie-t-elle. "En moyenne, les utilisateurs gagnent 60 euros par an", souligne Yves Benchimol, le cofondateur de WeWard. Un montant qui peut paraître dérisoire. "Mais vu la situation, toutes les petites économies ou les moyens de gagner un peu plus d'argent sont bons à prendre", soupire Elodie. Elle n'est pas la seule à le penser. Selon la plateforme d'analyse Sensor Tower, les téléchargements d'applications "rémunératrices" se sont emballés ces dernières semaines.

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