La hausse des prix ralentit depuis quelques mois, mais devrait quand même atteindre les 5% en 2023. Malgré cela, les épargnants peinent à protéger leur capital contre l'inflation. Même si la rémunération de plusieurs placements progressent, le rendement réel est très souvent négatif.

Le pic d'inflation semble passée d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Après une hausse des prix sur un an de 6,3% encore en février, elle n'est « que » de 4,5% en juin.

L'inflation annuelle qui avait atteint 5,2% en 2022, devrait être de 5% sur l'ensemble de l'année 2023, selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée en juin. Une progression des prix toujours soutenue et qui érode encore sérieusement votre pouvoir d'achat. De quoi encore sérieusement éroder votre pouvoir d'achat si vous ne placez pas votre argent.

Le problème, c'est qu'après prise en compte de l'inflation, la plupart des produits d'épargne classiques servent actuellement un rendement négatif. Par exemple : si vous placez 100 euros à 3%, vous aurez 103 euros un an plus tard. Mais serez-vous plus riche pour autant ? Pas nécessairement. Car si dans le même temps, les prix augmentent de 5%, votre pouvoir d'achat aura diminué.

C'est tout l'intérêt de regarder le « taux d'intérêt réel » de vos produits d'épargne. On l'obtient à partir de la formule suivante, comme l'explique La finance pour tous, un site développé par l'institut pour l'éducation financière du public.

1 + r = (1 + n) / (1 + i)

Pour laquelle r correspond ici au taux d'intérêt réel, n le taux d'intérêt nominal et i le taux d'inflation

Les calculs réalisés dans la suite de cet article se basent sur la dernière prévision de l'Insee, à savoir +5% de hausse des prix sur l'ensemble de l'année 2023 par rapport à 2022.

Livret A et LDDS : -2% de rendement réel

Au cours des cinq premiers mois de l'année 2023, le livret d'épargne préféré des Français, le Livret A, a enregistré +24,5 milliards euros de collecte nette. Son faux jumeau, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), n'est pas en reste : les Français y ont déposé 7,87 milliard d'euros sur la même période. Bilan : fin mai, l'encours total sur ces deux livrets a atteint 542,1 milliards d'euros. Un succès qui s'explique notamment par la revalorisation de leur taux depuis l'an dernier qui est désormais à 3%. Un taux qui ne bougera pas au cours des 18 prochains mois.

Malgré cette hausse de rémunération, le Livret A fait en réalité perdre du pouvoir d'achat aux 55 millions de Français détenteurs de ce placement en 2023. Dans le détail, pour 1 000 euros placés sur votre Livret A du 1er janvier au 31 décembre 2023, vous toucherez 29,17 euros nets d'impôts (et non 30 euros car le mois de janvier reste rémunéré à 2%). Mais dans le même temps, l'inflation vous ferait perdre 5% de pouvoir d'achat (dans l'hypothèse où la hausse des prix sur un an se maintiendrait à son niveau actuel). Soit, en arrondissant, un rendement réel de -2%.

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Livret d'épargne populaire : + 1% post-inflation

Le Livret d'épargne populaire (LEP) s'en sort mieux que les autres et permet même un rendement positif malgré une inflation à 5%. Pas étonnant, au vu du taux actuel du LEP. Il est passé à de 4,6 à 6,1% en février. Malgré une légère baisse annoncée pour le 1er août avec une rémunération à 6%, le livret d'épargne des ménages modestes offre un rendement réel positif d'environ 1%.

Comme pour le Livret A et le LDDS, les gains perçus sur votre LEP sont totalement exonérés d'impôts. Un livret d'épargne à ne pas négliger, d'autant que son plafond actuellement à 7 700 euros sera bientôt revalorisé à 10 000 euros. « Nous essaierons de mettre ça en place d'ici le 1er octobre », a déclaré Bruno Le Maire à TF1 le 13 juillet dernier. Selon la Banque de France, 47% des LEP ont déjà dépassé les 7 700 euros grâce à la capitalisation des intérêts.

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Livret bancaire : -4,55% de rendement après inflation

En complément des livrets réglementés, comme le Livret A, le LDDS et le LEP, certaines banques proposent leurs propres livrets d'épargne. En mai 2023, la rémunération moyenne de ces placements était de seulement 0,65%, selon les chiffres de la Banque de France.

Sans oublier qu'à la différence des livrets réglementés, les livrets bancaires sont soumis à un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% (1). Soit un rendement net d'impôts de 0,45%. Pire : une fois l'inflation prise en compte, le rendement réel de ces placements atteint en moyenne -4,55%, soit le pire score de ce palmarès. Un calcul théorique puisque la rémunération des livrets bancaires est réévaluée régulièrement par les établissements bancaires qui les commercialisent.

Pour concurrencer les livrets d'épargne réglementée et attirer un peu plus les foules, les banques et autres filiales bancaires de constructeurs automobiles proposent des taux boostés pouvant aller jusqu'à 4,5% sur quelques mois.

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PEL : -3,6% de rendement réel (dans le pire des cas)

C'est l'une des forces du Plan épargne logement (PEL) : son taux contractuel, fixé dès l'ouverture, demeure inchangé jusqu'à la clôture du plan. Résultat, certains vieux PEL rapportent encore 2,5% voire 3% bruts à leur propriétaire. Les PEL plus récents, en revanche, se montrent moins généreux, avec un taux de 2% avant impôt.

Côté fiscalité, les plans ouverts depuis 2018 sont soumis à la flat tax (30%) dès la première année de détention. Soit un rendement de 1,4% net d'impôt. Autrement dit, pour 10 000 euros investis sur un PEL ouvert récemment, vous devriez empocher 140 euros d'intérêts. C'est peu. En tout cas, trop peu pour vous protéger de l'inflation, puisque dans ce cas de figure le taux réel servi par le PEL atteint -3,6%. Même chose pour le Compte épargne logement (CEL) dont le rendement est passé de 1,25% à 2% au 1er février dernier.

Bruno Le Maire a par ailleurs annoncé le 13 juillet dernier qu'il sera possible pour les épargnants de « débloquer la somme nécessaire » de son PEL pour des travaux de rénovation énergétique, sans avoir à clôturer leur plan. Une nouveauté qui devrait s'appliquer dès le début de l'année prochaine.

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Assurance vie : -2,7% après inflation pour les fonds euros

La dégringolade des taux des fonds euros, le support sans risque de l'assurance vie, c'est terminé. Après 1,30% de rendement moyen en 2021, les fonds euros ont rapporté 1,90% en 2022, selon France Assureurs.

Ces rendements sont nets de frais de gestion, mais pas nets d'impôts. Sur les contrats récents, il faut ainsi déduire les cotisations sociales (17,20%) de vos intérêts annuels.

Pour un rendement brut de 1,9%, vous n'empocherez donc que 1,6% d'intérêt. Sans compter que vos gains peuvent être soumis à l'impôt sur le revenu en fonction du montant et de la date de vos retraits. Déduction faite de l'inflation, les fonds euros affichent eux aussi un rendement réel négatif.

En 2023, les rendements de l'assurance vie vont poursuivre leur progression à la hausse pour atteindre jusqu'à 3% pour les meilleurs contrats. Rendement moyen anticipé ? 2,5% à 2,8% à ce stade pour 2023. Après prélèvements sociaux, cela permet d'anticiper un rendement d'environ -2,7% après inflation.

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PER et épargne salariale : -2% de pouvoir d'achat

Impossible, par définition, d'annoncer un rendement moyen pour un plan d'épargne salariale, investi sur une poignée de fonds d'investissement, ou pour un produit d'épargne retraite, investi de la même manière sur un horizon lointain.

Il n'empêche : il est possible de se faire une idée représentative. Selon une étude de l'Association française de la gestion financière (AFG) la gestion pilotée des Plans d'épargne retraite (PER) en entreprise permettait d'espérer 1,7% à 5,3% (fin 2021) de performances annuelles. Si l'on prend l'exemple d'un PER avec un rendement à 3%, pour 10 000 euros placés, vous devriez enregistrer une plus-value de 300 euros en fin d'année.

Mais... avec une inflation à 5%, vous risquez dans les faits de voir votre pouvoir d'achat baisser (-2%). Et ce, avant prise en compte de la fiscalité du PER, à savoir 17,2% de prélèvements sociaux + l'impôt sur le revenu, plus ou moins important selon les options fiscales que vous avez choisies.

SCPI : un rendement réel de -0,47% avant impôts

En 2022, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont enregistré une collecte record de 10,2 milliards d'euros. C'est 37% de plus que l'année précédente, selon les estimations de l'Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim) et de l'Institut de l'Epargne Immobilière et Foncière (IEIF).

Ce succès, les SCPI le doivent surtout à leur excellent rendement moyen : 4,53% (nets de frais) en 2022, en sachant toutefois que l'année 2023 s'annonce plus délicate. Après prise en compte de l'inflation et si jamais l'année 2023 est aussi favorable que 2022 (ce qui est loin d'être assuré), les SCPI affichent un rendement réel légèrement négatif de -0,47%. Point noir : les SCPI sont lourdement fiscalisées, puisqu'aux prélèvements sociaux (17,2%) vient s'ajouter le barême progressif de l'impôt sur le revenu.

Livret A, assurance vie, SCPI... Où placer 10 000 euros en 2023 ?

(1) Pour l'ensemble des placements soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU), les ménages modestes peuvent réclamer une dispense d'acompte et opter pour l'imposition au barème s'ils ne sont pas imposables.