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Imprescriptibilité de l’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre

L’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription.

par Amandine Cayolle 29 avril 2021

Un logement avait été mis à la disposition d’une salariée par son employeur (le 13 janvier 1975) à titre d’accessoire à son contrat de travail, conclu le 21 septembre 1962. Le 31 juillet 2004, la salariée a pris sa retraite mais a continué à occuper les lieux. Souhaitant vendre le logement libre d’occupation, son ancien employeur lui a délivré, le 25 juillet 2014, un congé à effet du 31 juillet 2015. L’ancienne salariée a refusé de quitter les lieux en se prévalant d’un bail d’habitation. Elle a alors été assignée en expulsion.

La cour d’appel déclare l’action irrecevable comme prescrite, aux motifs qu’il s’agissait d’une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun, dès lors qu’elle dérivait d’un contrat. Dans son pourvoi en cassation, l’ancien employeur soutient, au contraire, que son action avait pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre et qu’elle était, par conséquent, imprescriptible. La cour d’appel aurait donc violé l’article 2227 du code civil (pt 6).

La Cour de cassation casse, en effet, la décision de la cour d’appel pour violation des articles 544 et 2227 du code civil. Elle rappelle que, « selon le premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Selon le second, le droit de propriété est imprescriptible » (pt 7). Or il est de jurisprudence constante que « la revendication est l’action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui la détient la restitution de son bien (Civ. 3e, 16 avr. 1973, n° 72-13.758, Bull. civ. III, n° 297) » (pt 8). Ainsi, « l’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription » (pt 11).

Depuis la réforme de 2008, l’article 2227 du code civil affirme expressément le caractère imprescriptible du droit de propriété. « Il consacre ainsi la jurisprudence antérieure, laquelle avait dégagé le principe d’absence de terme extinctif de la propriété en matière immobilière (req. 12 juill. 1905) et mobilière (Civ. 2e, 2 juin 1993, n° 90-21.982, D. 1993. 306 , obs. A. Robert ; ibid. 1994. 582 , note B. Fauvarque-Cosson ) : contrairement aux autres droits réels, le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage, ce que propose de préciser plus clairement dans le code civil l’avant-projet de réforme du droit des biens (art. 537, al. 1). La formulation actuellement retenue par l’article 2227 est en effet maladroite car le droit de propriété peut faire l’objet d’une prescription acquisitive (C. civ., art. 2272). Seule la prescription extinctive ne l’affecte pas » (A. Cayol, Le droit des biens en tableaux, Ellipses, 2019, p. 52).

Ceci découle du caractère absolu du droit de propriété (L. Aulagnon, La pérennité de la propriété (Étude de sociologie juridique à propos d’un ouvrage récent), Rev. crit. législ. et jur. 1934. 285 : « Un droit absolu est nécessairement perpétuel » ; V. Bonnet, La durée de la propriété, RRJ 2002, n° 20, p. 286). Espace de liberté, ce dernier offre au propriétaire la possibilité d’utiliser la chose à sa guise et, notamment, de ne pas l’utiliser. Cette abstention ne saurait en aucun cas mettre fin au rapport d’appartenance exclusive qu’il entretient avec la chose.

L’action en revendication vise à assurer la protection du propriétaire contre les immixtions des tiers. Le droit de propriété n’étant pas soumis à la prescription extinctive, l’action en revendication...

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