GESTIONLe Crédit Municipal de Bordeaux mis à l’amende pour des prêts douteux

Bordeaux : Epinglé pour des prêts suspects, que va devenir le Crédit Municipal ?

GESTIONLa ville de Bordeaux, actionnaire de l’établissement, a écopé d’un blâme et de 120.000 euros d’amende
A la banque Publique des Solidarités-Crédit Municipal de Bordeaux, Louise s'occupe de l'estimation des biens qui sont déposés par les clients.
A la banque Publique des Solidarités-Crédit Municipal de Bordeaux, Louise s'occupe de l'estimation des biens qui sont déposés par les clients.  - M.Bosredon/20Minutes
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La commission des sanctions de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme des banques, considère qu’il y a eu des dysfonctionnements au sein du Crédit Municipal de Bordeaux.
  • L’établissement avait délaissé son rôle social de prêts sur gage aux petites gens pour se lancer dans des prêts patrimoniaux ou adossés à des droits Sacem.
  • La ville de Bordeaux a porté plainte contre X dans cette affaire.

Le rôle du Crédit Municipal, ou banque des pauvres, semble avoir été dévoyé depuis 2017. C’est en tout cas ce qu’avance la commission des sanctions de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ou gendarme des banques, après un contrôle de l’établissement en 2019 qui va conduire à mettre le holà à certaines pratiques. « On vient de nous communiquer sa décision de condamner la caisse du Crédit Municipal de Bordeaux à un blâme et à une amende de 120.000 euros » a expliqué le maire de Bordeaux Pierre Hurmic ce mardi.

Claudine Bichet, adjointe aux finances a expliqué la situation rapportée par l’ACPR dans un rapport de 500 pages, aux élus du conseil et les efforts déployés pour redresser la barre. « On a trouvé un établissement livré à lui-même qui s’était laissé aller à une politique effrénée de diversification totalement opposée à son modèle naturel qui est un rôle social », a-t-elle estimé.

Des prêts de plusieurs millions d’euros

Le Crédit Municipal dont l’actionnaire unique est la ville de Bordeaux existe depuis 1801. Il a le monopole du prêt sur gage qui permet de repartir avec de l’argent en échange du dépôt d’un bien. L’établissement propose aussi des crédits aux personnes les plus défavorisées qui sont exclus des circuits bancaires classiques. « Par convention, le Crédit municipal reverse 40 % de son résultat net au centre communal d’action sociale de Bordeaux [soit 600.000 euros] », pointe Claudine Bichet.

En moins de deux ans on passe d’un résultat financier positif d’1,5 million à 700.000 euros de trou. « Jusqu’à présent étaient enregistrés des prêts sur gage avec un montant d’encours moyen de 700 euros et à compter de 2017, l’établissement s’est lancé dans des prêts sur gage qualifiés de haute valeur, représentant des prêts de plusieurs millions d’euros, pour un montant de quatre millions au total », commente l’adjointe aux finances.

L’établissement a offert des prêts adossés à des biens immobiliers pour des montants supérieurs à 75.000 euros avec des modèles risqués comme celui in fine pour lequel le capital n’est remboursable qu’à la dernière échéance. D’autres prêts étaient adossés sur des garanties à des droits Sacem touchés par des auteurs. On a déjà entendu le nom de Chantal Goya parmi les bénéficiaires. Or ces droits sont déclinants et les garanties financières les concernant seraient insuffisantes.

L’adjointe aux finances relève aussi des « projets de placements sur des fonds alternatifs luxembourgeois, relevant d'un autre droit bancaire, particulièrement obscur. Et une filiale dédiée à l’activité foncière, dont la justification était très incertaine voire totalement inexistante par rapport au cadre normal de l’activité du crédit municipal. »

ACPR pointe aussi un manque d’implication de l’organe de surveillance (le COS) alors que ces offres risquées auraient justement dû susciter davantage de vigilance.

Plan de redressement

Dans le but de remettre le Crédit Municipal « sur de bons rails, car on est responsables avenir mais certainement pas du passé », pointe Claudine Bichet, plusieurs mesures ont été prises. L’établissement a été réorganisé, des recrutements ont eu lieu. Elle estime qu’il y aura un impact sur les deux ou trois prochains exercices et qu’il a échappé de justesse à un retrait d’agrément. « Le dossier a eu et aura des incidences financières sur la ville et pourra même connaître des développements judiciaires », complète Pierre Hurmic.

« Vous jetez en pâture un certain nombre de choses. Moi j’attends d’avoir les éléments chiffrés, a réagi Nicolas Florian, ancien maire de Bordeaux, et ex-adjoint aux finances d’Alain Juppé. Cela fait un an que vous ne faites rien, il faut bien que vous trouviez quelque chose or il n’y a rien. Je vous parie que dès l’année prochaine le crédit municipal sera en capacité de verser 600.000 euros au CCAS ».

La chambre régionale des comptes livrera un rapport à la rentrée et une enquête a été lancée par le procureur de la République. La ville a déposé plainte contre X « puisque nous estimons que les dysfonctionnements relevés sont au préjudice de la caisse et peuvent revêtir des qualifications pénales », précise Claudine Bichet.

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