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Impôts : la réforme des droits de succession revient dans le débat

Une note du Conseil d'analyse économique met en garde contre le « retour de l'héritage » : la fortune héritée représente 60 % du patrimoine total en France, contre 30 % en 1970. La faute à un système fiscal bien moins progressif qu'affiché. Une vaste réforme est proposée, avec notamment la fin de l'avantage de l'assurance-vie et des transmissions d'entreprises.

La moitié des individus héritera en France de moins de 70.000 euros, contre 500.000 euros pour les 10 % de Français les plus riches.
La moitié des individus héritera en France de moins de 70.000 euros, contre 500.000 euros pour les 10 % de Français les plus riches. (fizkes/Shutterstock)

Par Renaud Honoré

Publié le 21 déc. 2021 à 11:03Mis à jour le 21 déc. 2021 à 12:54

« Succession » est devenu une série à succès pour la chaîne américaine HBO, mais est-ce que les Français ont envie de se passionner eux aussi pour le sujet ? Le Conseil d'analyse économique (CAE) tente de remettre la question de l'héritage en haut de l'agenda économique, en préconisant dans une note publiée ce mardi une remise à plat profonde de la très impopulaire fiscalité des successions.

« Notre système fiscal est un tigre de papier, qui effraye beaucoup de monde sans avoir de réels effets pour contenir la dynamique des inégalités entretenue par les héritages », justifie Camille Landais, qui a écrit cette note aux côtés de Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack et Stéfanie Stantcheva.

Un tableau particulièrement détaillé

Depuis quelques mois, cette question de l'impôt sur les successions a repris de la vigueur dans le débat. Successivement au cours de cette année, l'OCDE puis la commission dirigée par Jean Tirole et Olivier Blanchard - constituée à la demande d'Emmanuel Macron - ont plaidé pour un renforcement de la taxation. L'étude du CAE - organisme rattaché à Matignon - vient enrichir ces réflexions en dessinant un tableau particulièrement détaillé du système français actuel. « L'impopularité de l'impôt sur les successions s'explique notamment par le manque d'informations sur le sujet », souligne Camille Landais.

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Les auteurs mettent ainsi en garde contre « le retour de l'héritage ». Certes, la société de rentiers de la Belle Epoque d'avant 1914 n'est pas encore de retour en France. Mais plusieurs indices montrent que le reflux des patrimoines hérités observé entre 1945 et 1980 appartient à une époque révolue. La fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % au début des années 1970, alors même que ce patrimoine total a fortement augmenté en cinquante ans.

Nous sommes face à un vrai problème pour l'égalité des chances

Ce phénomène est jugé d'autant plus préoccupant qu'il profite à peu. Environ la moitié des individus héritera en France de moins de 70.000 euros, contre 500.000 euros pour les 10 % de Français les plus riches. L'héritage moyen passe même à 4,2 millions nets de droits pour les 1 % les plus riches, et même 13 millions pour le « top 0,1 % ». « L'héritage moyen du « top 0,1 % » représente désormais 180 fois l'héritage médian. Nous sommes face à un vrai problème pour l'égalité des chances : désormais pour être tout en haut de l'échelle des niveaux de vie, il faut avoir hérité », avance Camille Landais.

Attention aux mirages

Face à cela, le système fiscal français est critiqué pour son inefficacité. Comme souvent quand on parle d'impôts, l'Hexagone se classe pourtant parmi les pays qui taxent le plus les héritages et les donations (15 milliards par an).

Mais attention aux  mirages, prévient le CAE. Ces recettes sont tirées vers le haut par la vision très traditionnelle de la famille sur laquelle le système est bâti : ainsi les taux de taxation en ligne directe (pour un enfant ou un conjoint marié) sont bien moins importants que ceux qui s'appliquent pour des frères et soeurs, des beaux-enfants ou bien des concubins. Si bien que ces successions et donations en ligne indirecte rapportent 50 % des recettes totales, quand bien même elles ne représentent que 10 % du capital transmis !

Peu de progressivité

Autre mirage, la progressivité de l'imposition promise n'est pas forcément au rendez-vous. Sur le papier, au-delà d'un abattement de 100.000 euros, les successions se voient imposer un barème progressif qui peut aller jusqu'à 45 % au-delà de 1,8 million d'euros pour les parents et enfants. Sauf que le CAE calcule que le taux effectif payé par les 0,1 % des Français les plus riches sur l'intégralité du patrimoine hérité ne serait que de 10 %.

La faute à une multitude d'exemptions et d'exonérations (comme par exemple le régime spécial réservé aux assurances-vie ou le pacte Dutreil pour la transmission d'entreprises ) qui profite aux plus riches, au détriment des classes moyennes supérieures moins bien traitées en comparaison. « Cette situation alimente l'idée que ces droits taxent l'épargne d'une vie de travail et ruine leur acceptabilité sociale », est-il écrit.

Pour une refonte en profondeur

Pour remettre le système d'équerre, la note préconise une refonte en profondeur. Aujourd'hui, chaque individu peut recevoir dans sa vie plusieurs transmissions patrimoniales (avec des donations, plusieurs successions de différents parents etc.) qui sont à chaque fois taxées séparément. Ce ne serait plus le cas avec le scénario du CAE, qui ferait varier le taux d'imposition en fonction de tous les héritages reçus au cours d'une vie.

Deuxième pilier, il est recommandé de réduire ou de mettre fin aux nombreuses exemptions et exonérations. Le tout serait accompagné d'une refonte du barème, avec par exemple des taux nominaux plus bas mais aussi plus progressifs qui «permettrait de réduire la taxation de 99% des Français». Un tel système serait de nature à accroître les recettes récoltées, pour des montants pouvant aller jusqu'à 19 milliards d'euros dans les simulations du CAE.

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Créer un « capital garanti pour tous »

Que faire avec de telles sommes ? Les auteurs de la note préconisent la mise en place d'un « capital garanti pour tous » - la note évoque 10.000 à 40.000 euros par personne - versé à 18 ou 25 ans pour réduire les inégalités. Mais les auteurs avancent que le surcroît de recettes pourrait tout aussi bien servir à « financer des dépenses publiques ou réduire (...) d'autres impôts des ménages ».

En clair, de quoi intéresser tous les bords politiques. « Nous espérons pouvoir nourrir le débat présidentiel », reconnaît Camille Landais.

Renaud Honoré

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