Climat : les banques françaises, Crédit Agricole en tête, accusées de manquer à leurs engagements

Un groupe d'ONG, emmené par Reclaim Finance, dénonce le double discours du Crédit Agricole sur le charbon et de pas respecter ses propres engagements d'arrêter de financer les entreprises (Glencore, Rusal...) qui ouvrent de nouvelles mines ou développent des centrales thermiques au charbon. Parallèlement, l'association britannique ShareAction, qui pousse les actionnaires à agir sur le comportement des banques, a mis en exergue le poids des banques françaises dans le financement de l'industrie pétrolière (parmi les cinq plus gros financeurs de l'industrie pétrolière se trouvent trois banques françaises). Au bilan, depuis la signature de l'Accord de Paris en 2015, les banques, notamment françaises, ont augmenté leur exposition aux énergies fossiles.
Crédit Agricole est la première banque à se faire épingler de la sorte, mais Reclaim Finance a indiqué qu'elle « contrôlera dans les prochains mois l'application des politiques charbon des autres grands acteurs financiers français, puis internationaux ».
Crédit Agricole est la première banque à se faire épingler de la sorte, mais Reclaim Finance a indiqué qu'elle « contrôlera dans les prochains mois l'application des politiques charbon des autres grands acteurs financiers français, puis internationaux ». (Crédits : Reuters)

La charge est rude. D'autant plus rude que les banques multiplient les professions de foi sur leur engagement climatique et placent désormais la lutte contre le réchauffement climatique au cœur de leurs priorités stratégiques. C'est du moins le message à nouveau appuyé des principales banques françaises lors de la présentation de leurs résultats annuels.

L'engagement du secteur bancaire en France  est connu : accélérer la sortie de la filière charbon, avec des objectifs de sortie totale d'ici 2030 ou 2040, et arrêt, à partir de janvier 2022, du financement des projets d'hydrocarbures non conventionnels, notamment acté par la Fédération bancaire française (FBF) en octobre dernier. "Ce qui place les banques françaises en pointe sur ce sujet en Europe", avait rappelé Maya Atig,  directrice générale de la FBF.

"Les banques françaises sont résolument engagées pour une transition énergétique, qu'elles souhaitent globale, durable et socialement responsable. Les chiffres témoignent d'avancées concrètes : le financement des entreprises impliquées dans le charbon ne représente plus que 2,1 milliards d'euros, soit 0,16% du portefeuille corporate des grandes banques françaises quand celui du renouvelable atteint en 2020 plus de 44,3 milliards d'euros, en augmentation de 68% en 4 ans", précise la FBF.

 Pourtant, selon des ONG comme Reclaim Finance qui surveillent régulièrement la vitesse à laquelle la transition réelle se réalise, le tableau n'est guère réjouissant, notamment s'agissant du monde bancaire.

Depuis la COP21, les banques ont... augmenté le financement des énergies fossiles

En mars 2021, cette ONG et cinq autres associations avait déjà épinglé de grandes banques mondiales, et notamment françaises, pour avoir non pas baissé mais augmenté leurs financements accordés aux producteurs d'énergies fossiles de près de 5,9 % entre 2016 et 2020.

| Lire: Les banques françaises lèvent le pied sur les hydrocarbures non conventionnels

Ce mardi, près d'un an plus tard, étude documentée à l'appui, Reclaim Finance et plusieurs autres ONG dénoncent une grande banque française, le Crédit Agricole, pour avoir, au mépris de ses propres engagements climatiques, continué de financer de grandes entreprises développant de nouvelles mines et centrales à charbon.

Pourtant, en 2019, Crédit Agricole était salué comme une banque "pionnière" en matière de désinvestissement de l'industrie du charbon, après avoir adopté "une stratégie climat digne de ce nom". L'ONG le souligne aujourd'hui, cette politique était devenue une référence au niveau international.

|Lire: Crédit Agricole : paiement, finance verte, les points clés du plan stratégique 2022

Malheureusement deux ans après cette annonce vertueuse, l'ONG Reclaim Finance explique qu'après avoir passé au crible les transactions du Crédit Agricole, elle a constaté "plusieurs cas de violation manifeste des mesures annoncées".

"En cause, des transactions avec plusieurs entreprises qui n'ont pas de plan de sortie répondant aux objectifs du groupe financier, et qui sont avant tout des développeurs de charbon", explique l'ONG dans son communiqué.

L'ONG a analysé notamment les trois politiques du Crédit Agricole concernant les mines, la production d'électricité et les infrastructures de transports (voir documents en annexes, pied d'article) et il en ressort que des groupes comme par exemple le suisse Glencore, les japonais Marubeni et Itoshu, ou encore le russe Rusal ont été  indûment financés par Crédit Agricole, notamment parce qu'elles n'ont pas de plan de sortie.

Exemple avec Glencore: Crédit Agricole a participé, au profit du géant minier suisse, à une émission d'obligation de plus de 1 milliard d'euros en février 2021, et à un prêt général de plus de 4,5 milliards dollars en mars 2021. Cela alors que Glencore « prévoit toujours une expansion de 45 mégatonnes (Mt ou million de tonnes) de charbon par an dans 9 mines en Australie et en Afrique du Sud ».

Concernant Marubeni, "si la maison de négoce japonaise s'est engagée à sortir du charbon d'ici 2050, cette sortie est bien trop tardive puisqu'elle intervient 10 ou 20 ans après ce que demande la science climatique... et le Crédit Agricole dans ses propres politiques", dénonce l'ONG en affirmant que la banque a participé en 2021 à un prêt de plus de 500 millions de dollars accordé à Marubeni. Qui est toujours impliquée dans la construction de trois nouvelles centrales à charbon, au Vietnam, en Indonésie et au Japon « pour un total de 2620 MW ».

La réponse du Crédit Agricole

Contactée par l'AFP, la banque a affirmé qu'"une période transitoire pour les années 2020 et 2021 est explicitement prévue avec une application progressive" et que la période d'observation vient de s'achever.

Si une période transitoire est bel et bien prévue dans sa politique climatique, Crédit Agricole avait également indiqué en mars 2020 attendre de ses clients "qu'ils développent et lui communiquent un plan de retrait conforme au calendrier préconisé par la science climatique (2030 pour les pays de l'Union Européenne et l'OCDE, 2040 pour le reste du monde), comprenant l'engagement à ne pas développer de nouveaux projets", condition nécessaire "pour la poursuite des services financiers à partir de 2021".

En 2021, l'industrie du charbon restait massivement financée

Crédit Agricole est la première banque à se faire épingler de la sorte, mais Reclaim Finance a indiqué qu'elle "contrôlera dans les prochains mois l'application des politiques charbon des autres grands acteurs financiers français, puis internationaux".

Selon l'étude menée par l'agence de recherche non lucrative néerlandaise Profundo, les quelque 1.000 entreprises du charbon avaient reçu 1.200 milliards de dollars d'investisseurs institutionnels à fin novembre 2021, et 1.500 milliards de dollars de financements "versés, sous la forme de prêts et d'émissions d'actions et d'obligations", entre janvier 2019 et novembre 2021.

En 2015, la COP21 avait enclenché un mouvement mondial

Pour mémoire, le mouvement mondial de « désinvestissement » avait démarré dès 2015 en amont de la COP21. Citons à titre d'exemple, les engagements pris par BNP Paribas AM qui annonçait en mars 2019 que, le 1er janvier 2020, elle exclurait de sa gestion d'actifs les entreprises générant plus de 10% de leur revenu dans l'extraction du charbon thermique ou représentant 1% ou plus de la production mondiale.

En septembre 2020, La Banque Postale, autre exemple, avait déclaré s'engager à atteindre le zéro émission nette d'ici 2040 et à ne plus être exposée aux secteurs fossiles sur ce même horizon. Et en octobre 2021, l'institution financière à capital public, filiale du groupe La Poste annonçait qu'elle allait se délester de l'ensemble de ces actifs liés aux énergies fossiles  - conventionnelles et non-conventionnelles - d'ici 2030, soit 10 ans plutôt que prévu.

Les banques françaises toujours "accro" au pétrole

Lundi dernier, l'ONG ShareAction, qui pousse les actionnaires à faire changer le comportement des banques, soulignait dans une étude sur les vingt-cinq premières banques européennes, affichant toutes des objectifs de neutralité carbone, que le secteur bancaire ne montrait aucun signe de ralentissement de leur financement au secteur pétrolier. L'an dernier, elles ont accordé 55 milliards de dollars de crédits et 406 milliards sur les cinq dernières années. Et parmi les cinq plus gros financeurs de l'industrie pétrolière se trouvent trois banques françaises, BNP Paribas (46 milliards de dollars), Crédit Agricole (35 milliards) et Société Générale (34 milliards). Rappelons toutefois que BNP Paribas est la première banque européenne en taille de bilan (hors Royaume-Uni) et Crédit Agricole la dixième mondiale.

ShareAction souligne ainsi la contradiction entre l'activité des banques dans le secteur des hydrocarbures et l'objectif de neutralité carbone à 2050. Pour l'Agence internationale de l'énergie, il faudrait stopper dès maintenant tout nouveau projet d'exploration et d'exploitation de gaz et de pétrole pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Reste que les banques n'ont pas (encore) pris d'engagement sur le pétrole et le gaz, contrairement au charbon et aux hydrocarbures non conventionnels.

(avec AFP)

___

DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE

Politique sectorielle RSE Groupe Crédit Agricole - Secteur des mines et métaux - Mars 2020

Politique sectorielle RSE Groupe Crédit Agricole - Centrales thermiques à charbon - Mars 2020

Politique sectorielle RSE Groupe Crédit Agricole - Infrastructures de transport - Mars 2020

Le rapport de RECLAIM Finance : « Charbon : le Crédit Agricole enfreint sa propre politique »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 16/02/2022 à 13:57
Signaler
Il faut surtout ne pas se référer à ce que disent les ONG, beaucoup d’origine Nord Américaine, dont le boulot est de déstabiliser les États en produisant de pseudo études ad hoc et surtout en dehors de tout contrôle démocratique par les électeurs de ...

à écrit le 15/02/2022 à 17:35
Signaler
Mais arrêt0ns avec ces "engagements cl1matiques". Tout le m0nde s'en f0ut !

à écrit le 15/02/2022 à 16:45
Signaler
Violer rien que ça , les banques sont faites pour faire de l'argent et elles se doivent d'investir là ou il y a de l'argent a se faire peu importe que ce soit du charbon, pétrole ou du nucléaire , les banques ne doivent pas rendre de compte au gouver...

à écrit le 15/02/2022 à 16:33
Signaler
Mais arrêt0ns avec ces "engagements cl1matiques". Tout le m0nde s'en f0ut !

le 15/02/2022 à 16:51
Signaler
Don't look up.

à écrit le 15/02/2022 à 16:05
Signaler
Encore des bobos Ecolo deconnectes ; il suffit de regarder en ce moment le resultat du manque de petrole pour comprendre qu'on ne peut faire n'importe quoi ,,,,,, IL NE FAUT PAS QUE LES TAXES carbones soit un droit de poluer pour les riches EX PA...

à écrit le 15/02/2022 à 14:39
Signaler
Pipi de chat en comparaison avec le secteur agro-industriel qui lui tue et détruit tout, tout le temps et partout à vitesse variable à tel point que par anticipation soit le crédit agricole devrait changer de nom soit il finance réellement et généreu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.