Crédit Agricole : bras de fer avec les salariés avant l'assemblée générale
Des actionnaires salariés tentent d'obtenir que la décote consentie par le groupe lors de prochaines augmentations de capital réservées au personnel soit fixée à 30 %. En amont de la prochaine assemblée générale, le conseil d'administration a pris position contre cette résolution, et appelle les actionnaires à voter « contre ».
Par Édouard Lederer
Une joute que l'on s'attendrait plus à voir dans le cadre de négociations sociales qu'en pleine assemblée générale. Dans la perspective de l'AG que doit tenir Crédit Agricole SA (CASA) la semaine prochaine, un actionnaire - à savoir l'un des fonds qui gère les titres détenus par les salariés - a déposé un projet de résolution que le conseil d'administration espère bien voir retoqué.
Plus précisément, le FCPE (Fonds commun de placement d'entreprise) Crédit Agricole SA Action demande, via ce texte, « que le niveau de décote qui sera appliqué aux actions émises dans le cadre des prochaines augmentations de capital réservées (ACR) aux salariés [soit] fixé à 30 % ». Autrement dit, que ce taux soit gravé dans le marbre.
Des opérations « sur mesure »
« Le conseil d'administration a décidé de ne pas agréer » le projet (baptisé « résolution A ») et « invite les actionnaires à voter « contre »» cette résolution, indique le groupe dans les documents mis à la disposition des actionnaires en amont de l'assemblée.
Premier syndicat de la branche Crédit Agricole , le SNECA CFE-CGC « demande » aux actionnaires de voter en sa faveur. « Les salariés ne comprendraient pas que cette proposition soit rejetée », indique Samuel Mathieu, secrétaire général adjoint de l'organisation. Le syndicat FO a demandé au groupe de « revoir d'urgence sa consigne ».
Pour motiver son opposition, le conseil rappelle notamment que pour ces opérations annuelles, il lui revient « sur proposition du comité des rémunérations, après discussion avec la direction générale » d'arrêter ce taux de décote, rappelant que ce dernier n'a jamais été inférieur à 20 %.
De son côté, le conseil propose deux résolutions. Elles visent d'une part à lui donner une délégation de pouvoir pour fixer la décote et d'autre part, à plafonner cette décote à 30 %, comme le prévoit le Code du travail.
Le débat resurgit
Aux yeux des partisans de la « résolution A » , le but est notamment de mieux associer les collaborateurs au succès du groupe , mais aussi de renforcer encore l'actionnariat des salariés, ces derniers détenant actuellement 5,1 % de CASA. Selon le FCPE, les ACR sont souscrites en moyenne par 22.000 personnes, mais en 2020, à la faveur d'une décote à 30 %, 47.000 personnes ont souscrit.
La proposition des actionnaires salariés - autorisés à apporter une proposition de résolution lorsqu'ils détiennent au moins 0,5 % du capital - a peu de chances de passer, en raison justement de l'opposition du conseil d'administration où sont représentées les caisses régionales du groupe, actionnaires majoritaires de CASA.
Cet épisode constitue une escalade : la demande de figer la décote à 30 % avait déjà été formulée par un administrateur salarié siégeant au conseil d'administration, et avait été alors rejetée. Le débat resurgit donc à présent par de nouveaux canaux. Interrogé, le groupe n'a pas commenté.
Edouard Lederer