Grande sécu, grand danger ! Ah bon, t’es sûr ?

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Le projet d’une « Grande Sécu » couvrant à la fois les dépenses de l’Assurance maladie et celles des complémentaires a beaucoup inquiété certains représentants des médecins libéraux cet hiver. Mais l’idée n’en fait pas moins son petit bonhomme de chemin.
 

Grande sécu, grand danger ! Ah bon, t’es sûr ?

«Ce n’est pas la taille qui compte », a-t-on coutume de dire. L’adage, probablement vrai dans certains domaines, ne l’est pas en matière de protection sociale. C’est du moins ce que semblent penser ceux qui, trouvant les dimensions de notre Assurance maladie trop modestes, prônent l’avènement d’une « Grande Sécu » remboursant, en plus des soins actuellement couverts par notre bonne vieille CNAM, les dépenses que prennent en charge les mutuelles et autres organismes complémentaires. Reste à savoir quels seraient les avantages et les inconvénients d’un tel systèm

L’idée a commencé à agiter les milieux sanitaires français quand, l’été dernier, le ministre de la Santé, Olivier Véran (dont on se questionne sur qui va le remplacer ?), a demandé au Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) d’étudier 4 scénarios d’articulation entre l’obligatoire et la complémentaire… dont celui de la « Grande Sécu ». Il faut dire que ce dernier permettrait d’améliorer sensiblement l’accessibilité financière des soins, en reléguant les complémentaires à un rôle de figurants et en remplaçant leurs primes, qui ont une fâcheuse tendance à croître avec l’âge des cotisants, par des cotisations sociales proportionnelles aux revenus.

« Il est vrai que seulement 4 % des Français n’ont pas de complémentaire, admettait en janvier dernier Pierre-Jean Lancry, vice-président du HCAAM, lors d’un échange avec les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS). Mais si l’on se concentre sur les plus précaires, ce chiffre monte à 13 %. » Et même si l’on fait partie de l’heureuse majorité qui dispose d’une couverture complémentaire, la dépense que représente celle-ci peut sérieusement grever le pouvoir d’achat, surtout quand on est retraité. Autre avantage de la « Grande Sécu » : celle-ci pourrait faire baisser les frais de gestion. « Actuellement, on fait un remboursement par deux canaux, observe Pierre-Jean Lancry. Si on ne rembourse plus que par un seul canal, on fait des économies et on peut réallouer ces sommes où l’on veut. »

Une médecine étatisée et à deux vitesses ?

Mais il en faudrait plus pour convaincre les représentants des médecins libéraux du bien-fondé du scénario de la « Grande Sécu ». « C’est clairement la mainmise de l’État sur l’ensemble du dispositif, tonne par exemple le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Par ailleurs, cela aboutira à une médecine à deux vitesses : une frange de la population prendra tout simplement une assurance supplémentaire, pour les soins de confort ou encore les compléments d’honoraires. »

Il est en tout cas assez savoureux de voir, sur ce dossier, la CSMF combattre aux côtés de complémentaires qu’elle a l’habitude de critiquer vertement sur d’autres. Car bien sûr, les complémentaires sont, elles aussi, en opposition frontale avec le projet de « Grande Sécu ». « C’est un secteur de 100 000 emplois qui serait passé par pertes et profits », s’alarmait même en novembre Éric Chenut, président de la Mutualité française, dans les colonnes de Challenges.

Finalement l'idée n'a pas été reprise dans les programmes présidentiels. Emmanuel Macron, le président, fraîchement réélu l’avait enterrée pendant sa campagne « pour ne pas créer d'instabilité ». Mais elle aura au moins fait réfléchir certains. « Le débat a été lancé, et cela a le mérite de poser des questions sans tabou, estime ainsi le Dr Thomas Mesnier, député En Marche et rapporteur général du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Plutôt que le tout-Sécu, qui n’a pas ma faveur, je pense qu’on peut profiter de ce débat pour regarder ce qui peut être pris en charge par la Sécu, et ce qui doit être pris en charge par les complémentaires. » Entre la Sécu actuelle et la « Grande Sécu », on peut en effet imaginer toute une gradation de Sécus aux tailles diverses. Vive la moyenne Sécu, en quelque sorte !

 

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