Complémentaire santé : les quatre scénarios retenus par le Hcaam
Les travaux du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie sur l’articulation des couvertures maladie de base et complémentaire ont suscité beaucoup de débats. Focus sur les différents scénarios finalement choisis.
Victor Noiret
\ 14h12
Victor Noiret
Le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (Hcaam) a finalement publié mi-janvier son rapport définitif sur l’articulation entre Sécurité sociale et assurance maladie complémentaire. Près de 150 pages qui détaillent quatre scénarios d’évolution. Le Hcaam « n’entend privilégier aucun d’entre eux », précise bien le rapport, qui pour la première fois de l’histoire du Haut conseil créé en 2003 n’est pas accompagné d’un avis. Le consensus s’est révélé impossible au regard des vives critiques des assureurs santé, des partenaires sociaux et de certains syndicats médicaux sur l’importance accordée à la Grande Sécu.
Scénario 1 : Des changements à la marge
Cette option conserve l’architecture du modèle actuel, mais vise à lui apporter des corrections afin de limiter les barrières financières à l’accès aux soins. Le Hcaam propose de modifier les taux de tickets modérateurs (TM), c’est-à-dire le différentiel entre la base de remboursement Sécurité sociale (BRSS) et la prise en charge de l’Assurance maladie, TM obligatoirement remboursé par les contrats responsables. L’objectif est de « mieux répartir les restes à charge (RAC) entre assurés sociaux, notamment selon l’âge ». Cependant, le Hcaam juge « fragile juridiquement » la modulation du TM suivant l’âge au regard du principe constitutionnel d’égalité de traitement.
Une alternative « plus radicale » évaluée par ce scénario est la forfaitisation de la participation des patients à l’hôpital, forfait qui pourrait varier selon plusieurs modalités (non exclusives) comme la durée du séjour, le type d’hospitalisation… L’option « aurait le mérite de simplifier le système (…) et permettrait également d’atténuer les “gros” restes à charge ».
Cette première option s’attache également à la complémentaire des retraités. Depuis la loi Evin du 31 décembre 1989, l’assureur est dans l’obligation de proposer aux adhérents de contrats collectifs qui partent à la retraite les mêmes garanties que les actifs, avec une évolution encadrée de tarifs. Le Haut conseil propose de lui substituer l’obligation de proposer un contrat responsable, dit de « sortie de groupe », à conditions tarifaires avantageuses.
Scénario 2 : Une complémentaire obligatoire
Cette hypothèse prévoit la généralisation de l’assurance maladie complémentaire à l’ensemble des Français. Il mettrait ainsi fin aux disparités d’accès aux soins selon le statut professionnel, en obligeant chaque assuré à souscrire un contrat santé. Cependant, le rapport émet des doutes sur la constitutionnalité d’un tel scénario. En matière d’assurance, les obligations de couverture actuelles (automobile, habitation) concernent les dommages aux tiers, pas les sinistres des assurés.
Cet écueil juridique surmonté, les Ocam, afin de passer également la barrière de la réglementation européenne, seraient reconnus en tant que Sieg (Service d’intérêt économique général), à savoir « une activité économique remplissant une mission d’intérêt général qui ne serait pas exécutée par le marché en l’absence d’intervention de l’État ». Ils seraient donc obligés de proposer à toute personne une couverture santé incluant des garanties définies par l’état. « Ils bénéficieraient en contrepartie d’un mécanisme de péréquation des risques et du droit exclusif de proposer les garanties couvertes par le Sieg », explique le Hcaam.
Le système pourrait s’inspirer du régime local d’Alsace-Moselle – affiliation obligatoire pour les assurés du régime général, niveau des prestations et taux de cotisation définis par le conseil d’administration –, mais la gestion des prestations demeurerait assurée dans un cadre concurrentiel. La complémentaire couvrirait « la prise en charge du ticket modérateur, les frais d’hospitalisation, les examens de biologie médicale, les médicaments, les dispositifs médicaux et les transports médicaux, les lunettes, audioprothèses et soins prothétiques dentaires relevant du 100% Santé ».
18,8 Md€ Le coût estimé pour la Sécurité sociale du scénario Grande Sécu
Scénario 3 : La Grande Sécu
Dans le schéma d’une création d’une Grande Sécu, la prise en charge de l’Assurance maladie serait rehaussée au détriment des Ocam dont l’intervention serait réduite à peau de chagrin : leur activité pourrait chuter de 70 %. En effet, ils ne rembourseraient plus que les dépenses hors panier de soins Sécu, les dépassements d’honoraires et la chambre particulière. En fait, cela reviendrait à appliquer à chaque assuré le statut d’ALD (affection longue durée) où le ticket modérateur est pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale. La facture pour la Sécurité sociale s’élèverait à 18,8 Md€.
Le rapport souligne que les assurés n’auraient plus à payer une fraction des frais de gestion des Ocam estimée à 7,6 Md€. Cependant, il conçoit qu’une partie de cette somme devrait être allouée à « un plan complet d’accompagnement » des employés qui subiraient cette contraction. Les rapporteurs évoquent ainsi le reclassement interne, la reprise volontaire par les organismes de la Sécurité sociale, et enfin, l’indemnisation et la formation en vue « d’une reprise d’un emploi ». France Assureurs évalue à 100 000 le nombre d’emplois qu’un tel scénario détruirait dans l’assurance.
Scénario 4 : sécurité sociale et Ocam, chacun chez soi
Ce « scénario de rupture » privilégie une logique d’assurance « supplémentaire » pour les Ocam qui interviendraient sur un panier de soins totalement distinct de celui de la Sécurité sociale. Un choix qui pourrait redonner des marges de liberté aux Ocam pour construire leurs contrats même s’il n’interdit pas « pour autant toute réglementation », précise le rapport. Cette assurance supplémentaire interviendrait sur les prestations – optique, soins et prothèses dentaires, audioprothèses – aujourd’hui majoritairement financées par les Ocam et concernées par le 100 % Santé.
Annexe : Un mécanisme de type « bouclier sanitaire »
Le Hcaam réactualise le « bouclier sanitaire » afin de limiter « des restes à charge catastrophiques » et de réduire le coût de la complémentaire pour les retraités. Concrètement, la Sécurité sociale rembourserait la totalité des dépenses au-delà d’un certain plafond de restes à charge. Les dépassements d’honoraires ne seraient pas intégrés et seraient toujours remboursés par la complémentaire. Un tel dispositif existe déjà aux Pays-Bas, en Suisse et en Suède, ainsi qu’en Belgique et en Allemagne, où le plafond est fonction du niveau de revenus.
Le rapport détaille deux types de bouclier. Par exemple, le premier plafonnerait à 1 100 € le reste à charge sur les dépenses hospitalières, son coût serait de 1 Md€ pour la Sécurité sociale.
Le second bouclier limiterait à 1 400 € le RAC sur les soins de ville et d’hôpital pour un coût de 2 Md€. Dans ce dernier cas, le reste à charge pour les personnes âgées de 70 à 79 ans devrait baisser de 150 € par an en moyenne et de 225 € pour celles de plus de 80 ans.
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