Bruno Angles (AG2R La Mondiale) : "Nous devons changer de braquet sur le SI et le digital"

L’Argus de l’assurance Comment abordez-vous la direction générale d’AG2R La Mondiale ?

Bruno Angles Un bon dirigeant doit concilier deux qualités : savoir écouter et savoir décider. Quand je suis arrivé au sein d’AG2R La Mondiale, voilà un an, je n’étais pas assureur et j’ai mis à profit ce temps pour écouter. écouter André Renaudin, qui a bâti ce groupe avec un incroyable engagement, mais également écouter les collaborateurs, les représentants du personnel et, bien évidemment, les administrateurs avec lesquels j’ai eu un grand nombre d’échanges. Et aujourd’hui le moment est venu de décider. Ce que je ferai avec bienveillance et exigence, deux valeurs très fortes dans ce groupe où je me sens tout à fait à l’aise.

Justement, quelles ont été vos premières décisions en tant que directeur général ?

B. A. J’ai voulu envoyer un signal important dès mon arrivée, le 2 mai, concernant la priorité majeure qui doit être accordée au client : toutes les salles de réunion disposeront d’une chaise aux couleurs du groupe, qui rappellera le client. Et par ailleurs, j’ai souhaité la mise en place de Comme1comex, qui regroupe seize talents du groupe de moins de 40 ans, à parité femmes et hommes, avec pour mission de faire des propositions sur les sujets qu’on leur indiquera ou dont ils se saisiront.

Vous avez aussi revu le comité de direction groupe …

B. A. Nous avons redessiné l’organigramme afin de mieux travailler en équipe, et recruté deux profils majeurs : Pascal Martinez, pour répondre au défi du système d’information, et François Rubichon, pour prendre la tête d’un secrétariat général élargi d’un groupe qui recense 302 instances par an ! Les huit autres membres, déjà là, sont restés, c’est une vraie marque de confiance. Avec des changements que je ne peux tous citer : Jean-Marc Robinet, DG adjoint, intègre également les opérations, la performance et la transformation – le groupe a besoin d’excellence opérationnelle. Nous avons confié à Philippe Da Costa une délégation générale à l’ESS et la RSE, qui marque notre spécificité, et à Isabelle Hébert la direction de la distribution omnicanale et de la relation client, nouvellement créée. Béatrice Willems garde ses fonctions et aura également la responsabilité des nouveaux métiers et services.

Quels sont à vos yeux les points forts d’AG2R La Mondiale ?

B. A. L’une des principales forces d’AG2R La Mondiale réside dans la compétence de ses collaborateurs, leur expertise sur tout un panel de métiers : retraite complé­mentaire, santé, prévoyance, épargne, retraite… Et par ailleurs, le groupe ne manque pas d’opportunités, qu’il s’agisse de poursuivre le développement sur l’épargne retraite, d’intégrer de nouveaux métiers – avec l’acquisition récente d’une activité de résidences services séniors – ou encore de se diversifier sur l’assurance dommages.

A contrario, quels sont ses points faibles ?

B. A. Le plan d’entreprise 2023-2025 que nous devrions finaliser l’automne prochain intégrera trois défis majeurs : changer de braquet sur le système d’information et le digital, redresser la performance économique d’AG2R Prévoyance et renforcer notre capacité à tenir nos engagements budgétaires. C’est important en termes de crédibilité vis-à-vis de notre conseil d’administration et de l’ACPR. Nous avons un véritable enjeu de compétitivité avec la maîtrise de nos frais généraux, qui nous permettra de garder notre indépendance.

Comment comptez-vous redresser AG2R Prévoyance ?

B. A. AG2R Prévoyance a perdu 75 M€ en 2021 et près de 400 M€ sur les dix dernières années. Son redressement est une ardente obligation pour la cohésion du groupe, de tels écarts de performance entre la santé-prévoyance et l’épargne-retraite ne peuvent perdurer ! Nous devons avoir un dialogue de vérité avec nos clients, grands comptes ou branches professionnelles, afin qu’ils acceptent de payer le juste prix. Nous soumettrons dès les conseils d’administration de début juin un plan de redressement à hauteur de 130 M€, qui doit permettre à AG2R Prévoyance de retrouver l’équilibre en 2025.

Qu’est-ce qui motive le « changement de braquet » concernant le système d’information du groupe ?

B. A. Le système d’information est ancien, constitué de différents blocs issus des fusions successives, et si rien n’est fait cela aura des conséquences pour les clients. Un conseiller doit par exemple ouvrir sept fenêtres pour répondre à une simple demande sur un remboursement de soins. Avec l’expérience acquise au sein de Covéa, Pascal Martinez a le profil idéal pour relever ce défi de taille. Il doit fournir dès cette année une feuille de route pluriannuelle de la modernisation du SI, une vision claire du chemin à parcourir qui manquait jusque-là.

Vous n’abandonnez donc pas l’objectif d’être un assureur complet, intégrant l’activité IARD…

B. A. Ce n’est pas parce que l’alliance avec Matmut s’est interrompue que les bonnes raisons qui avaient conduit à la conclure ont disparu, à savoir renforcer les opportunités de multi-équipement et réduire les besoins de fonds propres, dans la mesure où la diversification en IARD joue positivement pour la marge de solvabilité. Comment y parvenir ? La réponse reste ouverte, entre reprendre un projet de type Matmut avec un autre acteur, conclure un partenariat avec un acteur de l’IARD ou racheter une assurtech qui aurait également un rôle d’aiguillon en interne.

Vous insistez sur la nécessité d’une croissance rentable. Compte tenu des investissements dans l’informatique, est-ce que vous serez amené à réduire la masse salariale ?

B. A. Il n’y aura pas d’économies faites sur les collaborateurs. Les ressources humaines constituent un atout pour AG2R La Mondiale et nous relèverons les défis avec l’ensemble des 15 000 collaborateurs. Il y a toujours deux ressources rares dans l’entreprise, le temps et l’argent. Chacun des collaborateurs doit utiliser chaque minute de son temps pour délivrer un service excellent aux clients et pour en conquérir de nouveaux. Et j’entends bien donner l’exemple de cette gestion optimisée du temps, en limitant les réunions et autres comités. De la même façon, chaque euro doit servir l’intérêt de nos clients.

Où en sont les discussions concernant l’arrivée d’Intériale ?

B. A. Intériale n’a pas souhaité que les conseils de mars statuent sur son éventuelle adhésion à la Sgaps. Le dialogue se poursuit de façon régulière, nous verrons sur quoi il débouchera dans quelques mois. Il est préférable que toutes les questions légitimes soient posées avant et que les deux parties vérifient leur plein accord.