Assurance auto : pourquoi le papillon vert s'accroche au papier
Légalement possible en Europe depuis le 1er janvier 2020, la dématérialisation de l’attestation d’assurance n’est toujours pas une réalité en France, alors que les assureurs l’appellent de leurs vœux. Le fichier des véhicules assurés devrait sceller son sort.
AURÉLIE NICOLAS
\ 19h00
AURÉLIE NICOLAS
« Nous n’avons clairement plus besoin de la carte verte en France, mais de multiples freins subsistent », affirme d’entrée de jeu Floreal Sanchez, chargé de mission à la direction stratégie et performance de la Macif. Et d’illustrer : « En premier lieu, sur le plan administratif, la carte verte constitue un document juridique intégré au code des assurances qui répond à un cahier des charges très précis en termes de couleur, de police, de grammage de papier… Il n’est donc pas possible de l’imprimer de chez soi. » Un changement du code des assurances est donc un préalable, et ce même si depuis le 1er janvier 2020, les 48 bureaux nationaux européens du système de la carte verte peuvent autoriser leur marché à émettre le précieux papier « en noir et blanc et à l’adresser au client par voie électronique en PDF ».
« Le passage à la dématérialisation de la carte verte, voire sa suppression, nécessitera d’adapter le droit français et de modifier le cadre réglementaire, notamment le code des assurances », confirme Axa France. Pour Christophe Dandois, CEO et cofondateur du néo-assureur Leocare, qui s’est engagé à n’envoyer aucun document papier à ses clients, la France est dans un statu quo aberrant : « L’impression et l’envoi de la carte verte produisent chaque année 1 237 tonnes de CO2 (source Ademe). Nous appelons le gouvernement à en prendre conscience afin que la loi puisse être corrigée et que cette carte puisse enfin devenir verte. »
Les chiffres
- 100 M€ Le coût annuel de traitement des émissions et envois de cartes vertes pour l’assurance
- 1 237 tonnes La quantité de CO2 produite chaque année par l’impression et l’envoi de la carte verte
Sources : Leocare, Ademe
Le fichier des véhicules assurés, la panacée ?
Deuxième frein, la fameuse vignette est considérée en France comme un moyen de lutte contre la non-assurance. Un argument qui n’en est pas un pour la Maif, qui estime que la fraude en assurance auto est importante et avérée. En outre, les policiers commencent à utiliser le Fichier des véhicules assurés (FVA), qui répertorie l’ensemble des véhicules assurés depuis le 1er janvier 2019. Alimenté par les assureurs, qui y inscrivent l’intégralité de leurs portefeuilles, ce fichier est plus fiable que les vignettes, puisque mis à jour en temps réel (souscription et suppression des garanties). « De façon déjà quasi généralisée, les autorités de police vérifient que le véhicule est bien assuré en interrogeant directement le FVA lors de contrôle en bord de route ou par radar », atteste la Maif. Et Floreal Sanchez de confirmer : « Le FVA n’est consolidé qu’à 98 %. Il est encore perfectible et doit subir quelques corrections, mais il est entré dans les mœurs et ne devrait pas tarder à être entièrement opérationnel. »
L’impatience monte sur le sujet, d’autant que le FVA a justement été conçu dans l’objectif de supprimer la carte verte… et qu’il s’avère déjà coûteux pour la profession. Enfin, reste le frein psychologique. « Il faut du temps pour se départir des habitudes. Mais c’est une démarche que les pouvoirs publics doivent entamer. C’est une frontière qu’il faut arriver à franchir », estime Floreal Sanchez.
Certificat et attestation sont liés
À la différence des conducteurs français, leurs homologues allemands n’ont jamais eu à afficher sur leur véhicule de vignette d’assurance ni à présenter d’attestation d’assurance en cas de contrôle. Mais à ce jour, les assureurs français sont tenus par le code des assurances de délivrer un certificat d’assurance de couleur verte répondant à un cahier des charges très précis. Le certificat (la vignette) et l’attestation d’assurance (la carte verte) sont liés, dans la mesure où ils sont délivrés en même temps. C’est la raison pour laquelle l’attestation ne peut actuellement pas être adressée dans un format dématérialisé.
Un levier d’économies… et de satisfaction client
Selon un récent sondage Ipsos pour Leocare, 70% des Français propriétaires d’un véhicule seraient favorables à la digitalisation de la carte verte. Une façon donc de contribuer à l’amélioration de la relation client. La FFA, qui travaille sur le sujet, cite d’ailleurs trois avantages à sa suppression : éviter à l’assuré de payer une contravention de 35€ en cas d’oubli de la carte verte ou de non-remplacement d’une vignette expirée, faciliter la souscription d’un contrat à effet immédiat, puisque l’assuré ne serait plus tributaire des délais postaux pour obtenir les documents justificatifs. Et enfin, dans les entreprises, cela réduirait la charge des gestionnaires de flottes qui doivent gérer la distribution de ces documents.
Du côté des assureurs, la fin de la carte verte serait aussi une bonne nouvelle. Car, entre les frais de traitement, de gestion, d’édition et d’envois postaux, le coût caché de la carte verte s’élèverait à près de 2 € par véhicule assuré et par an… Rapporté aux 50 millions de véhicules du parc français (source FFA), cela représente près de 100 M€ chaque année. Des économies de temps et d’argent qui profiteraient aussi aux distributeurs – agents et courtiers – à qui les assureurs délèguent bien souvent cette tâche. « À la Macif, les avis d’échéance et les avenants représentent chaque année entre 8 et 10 millions d’attestations envoyées. Outre les coûts d’impression et de poste, la carte verte nécessite une vraie organisation à mettre en place : elle mobilise de nombreux collaborateurs dans nos différents points d’accueil, qui pourraient consacrer ce temps à des tâches à plus forte valeur ajoutée », confirme Floreal Sanchez.
Compte tenu des sommes en jeu, les assureurs pressent les pouvoirs publics d’agir. À la Maif, on estime que ce n’est plus « qu’une question de mois ». Pour autant, la carte verte ne disparaîtra pas entièrement, puisqu’elle « assure la continuité au-delà des frontières de la garantie responsabilité civile dans les pays adhérant au système de la carte verte », rappelle Axa France. « L’attestation d’assurance restera utile pour les déplacements hors de France, les forces de l’ordre européennes n’ayant pas accès au FVA », complète Floreal Sanchez. Faudra-t-il alors en faire la demande expresse à son assureur en cas de voyage ? Ou bien sera-t-elle déposée d’office dans l’espace client digital de l’assuré ? Réponses à venir…
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