Nicolas Thieltgen, Associé au sein du cabinet Brucher Thieltgen & Partners. (Illustration: Maison Moderne/Photo: Brucher Thieltgen & Partners)

Nicolas Thieltgen, Associé au sein du cabinet Brucher Thieltgen & Partners. (Illustration: Maison Moderne/Photo: Brucher Thieltgen & Partners)

Gérant les avoirs de leurs clients, les banques sont de plus en plus confrontées à des saisies. Qu’elles soient exécutives ou conservatoires, ces dernières impliquent pour les professionnels de faire preuve de réactivité et d’attention. En cas d’erreur, les répercussions peuvent être désastreuses pour eux.

Une des missions principales du banquier est d’être le dépositaire des avoirs de ses clients : de la monnaie scripturale mais aussi des titres et actions. Il arrive toutefois dans certaines situations qu’un tiers s’immisce dans cette relation et place le banquier dans une position délicate. « Un créancier du client de la banque peut, en vertu d’un jugement ou d’un titre (facture, etc.), réclamer la somme qui lui est due ou demander que les avoirs du client soient bloqués en garantie de son paiement. Le professionnel du secteur financier se retrouve alors entre ce créancier et le débiteur qui est son client. Ces saisies représentent un problème pouvant avoir pour lui d’énormes conséquences en terme de responsabilité, alors pourtant qu’il n’est pas partie au litige entre ce créancier et son client », explique Nicolas Thieltgen, Associé au sein du cabinet Brucher, Thieltgen & Partners.

Le mot d’ordre ? Rapidité et précaution !

Le banquier est le plus souvent confronté à une saisie-arrêt civile initiée par le créancier d’un des clients du banquier. Ce créancier veut se faire payer sur les avoirs déposés sur le compte du client du banquier.

Ce type de saisie comporte deux phases :

Dans une première phase conservatoire, aucun jugement n’a encore été rendu. Le créancier peut cependant exiger que les avoirs et les biens du débiteur soient gelés dans l’attente d’une décision de justice dans un avenir plus ou moins proche. La phase conservatoire de la saisie-arrêt vise ici la créance de restitution des avoirs déposés sur son compte dont dispose le client à l’encontre du banquier. En d’autres mots, le banquier doit geler les avoirs déposés sur le compte au jour de la saisie et le client ne peut plus disposer de ces avoirs comme bon lui semble. « Dès l’acte judiciaire signifié, le banquier doit impérativement vérifier la demande et bloquer les fonds du client et non de sa société par exemple. Il ne peut y avoir d’erreur de la part de la banque qui risquerait d’engager sa responsabilité et, en quelque sorte, de devenir redevable des fonds libérés par erreur ». Le professionnel doit également se montrer vigilant en ce qui concerne le secret bancaire auquel il est soumis. Il ne peut en effet et sauf exception, révéler au créancier si le débiteur a bel et bien un compte chez lui.

Vient ensuite la phase exécutoire de la saisie-arrêt. Dans ce cas de figure, une décision de justice définitive (qui n’est donc plus susceptible de recours) a été rendue par un tribunal, qui a constaté l’existence d’une créance et a autorisé le créancier à se faire payer au moyen des avoirs de son débiteur déposés auprès du banquier.  Un huissier se présente auprès de la banque pour le compte du créancier afin de faire exécuter cette décision. « Le banquier doit veiller à ce que le jugement en question soit bien définitif et exécutoire au Luxembourg. Il est alors tenu de bloquer les fonds au jour de la saisie pour éviter les fluctuations du marché dans le cas d’actions. Des impératifs d’urgence et de diligence doivent dès lors être respectés ».

Fonctionnant de la même manière, la « saisie européenne conservatoire bancaire » s’applique dans un contexte transfrontalier européen. « Si un jugement est par exemple rendu en Belgique, le créancier persuadé que le débiteur possède des comptes au Luxembourg peut introduire une requête auprès des juridictions belges compétentes. Le ou les juges des pays concernés vont alors notifier la banque de cette décision. Si le nom de la banque est inconnu, le créancier peut interroger l’autorité chargée de l’obtention d’informations de l’État membre d’exécution (au Luxembourg, la CSSF) pour savoir si des comptes existent et auprès de quelles banques dans cette juridiction. Cette démarche repose sur une communication optimale entre les autorités judiciaires européennes ».

Enfin, les « saisies pénales » s’appliquent lorsqu’une autorité pénale (un juge d’instruction, par exemple) estime que l’argent résultant d’une infraction pénale doit être bloquée. Le banquier et/ou la personne soupçonnée en sont rapidement notifiés.

L’assurance, une problématique particulière

Contrairement au banquier, l’assureur ne gère pas directement de comptes avec des titres et actions. Il est pourtant également concerné par les saisies. « La principale difficulté est qu’il n’y a pas d’argent en tant que tel à bloquer. Il est uniquement possible de saisir la ou les créances qui résulteront du contrat d’assurance-vie (à l’échéance de celui-ci ou en cas de rachat). Des questions techniques très complexes peuvent se poser. »

Prendre en compte les aspects juridique et opérationnel

Si les saisies ont toujours existé, les banquiers y sont de plus en plus souvent confrontés. « Il y a dix ou vingt ans, nous observions moins de contentieux. Le nombre de saisies a augmenté du fait de l’évolution de la société. Peu de banques maîtrisent ces situations alors que l’enjeu est énorme. Le défi pour le professionnel est de trouver un juste équilibre entre les obligations légales vis-à-vis du créancier et sa loyauté envers son client ». Face à cette situation compliquée, il est fréquent pour les banquiers de se tourner vers les cabinets d’avocat. « Ils se posent de nombreuses questions. Par notre bonne connaissance de la procédure mais aussi du fonctionnement de la banque et des produits, nous pouvons les conseiller et leur décrire les effets de la saisie et la meilleure façon, pour eux, de procéder».