11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.420

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300380

Titres et sommaires

ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Risque - Déclaration - Erreur ou omission - Sanction - Article L. 113-9 du code des assurances - Application - Exclusion - Office du juge

Une cour d'appel n'est pas tenue de rechercher d'office si le contrat d'assurance, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, prévoit une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui exclurait que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code


ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Garantie - Conditions - Déclaration préalable d'ouverture de chantier - Inexécution - Portée - Office du juge

Une cour d'appel n'est pas tenue de rechercher d'office si l'assureur a engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir délivré une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée


ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Risque - Déclaration - Omission - Article L. 113-9 du code des assurances - Réduction proportionnelle de l'indemnité - Absence de garantie - Equivalence

Il résulte de l'article L. 113-9 du code des assurances, qu'en l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur ne peut être réduite qu'en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée. Le contrat d'assurance ne peut déroger à ces dispositions d'ordre public en prévoyant un autre mode de calcul de la réduction proportionnelle. Dès lors, viole ces dispositions la cour d'appel qui retient que le contrat d'assurance et l'article L. 113-9 du code des assurances réduisent l'indemnité en proportion des cotisations payées pour la mission inexactement déclarée, l'absence de déclaration équivalant alors à une absence de garantie

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Assurance - Assurance responsabilité - Garantie - Etendue - Non déclaration d'une mission - Effets - Réduction proportionnelle de l'indemnité - Portée


PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Définition - Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties - Cas - Clause contractuelle de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge - Validité - Office du juge

En application des articles L. 132-1, devenu L. 212-1, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, du code de la consommation, la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire. Conformément à l'article R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 380 FS-B

Pourvoi n° V 21-15.420




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

1°/ M. [C] [O],

2°/ Mme [S] [N], épouse [O],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° V 21-15.420 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [W] [Y], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance à forme mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Wallyn, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. et Mme [O], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Y] et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Wallyn, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 février 2021), M. et Mme [O] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié à M. [Y] (l'architecte), assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de l'aménagement d'une grange.

2. Les lots gros oeuvre, revêtements de sols et murs ont été confiés à la société Wallyn.

3. Dès le début des travaux, des désordres sont apparus sur les fondations des murs conservés et sur les nouvelles fondations.

4. Les maîtres de l'ouvrage ont saisi le conseil régional de l'ordre des architectes le 8 novembre 2010, puis ont assigné l'architecte devant le juge des référés le 13 décembre 2010 aux fins d'expertise. La réunion devant l'ordre des architectes a, alors, été annulée.

5. Après l'expertise, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'architecte, la MAF et la société Wallyn aux fins de réparation de leurs préjudices.

Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

6. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la MAF, alors « que lorsque l'application de l'article L. 113-10 du code des assurances est stipulée dans un contrat d'assurance, elle est exclusive de l'application de l'article L. 113-9 dudit code ; qu'en l'espèce, l'article 8.2.1.2 des conditions générales de la police d'assurance stipulait au titre des « sanctions relatives à la non-fourniture des déclarations d'activité professionnelles » qu'à défaut de déclaration des activités, et après mise en demeure, « l'assuré peut mettre en recouvrement une cotisation forfaitaire qui s'élève à 150 % de la cotisation ajustée l'année précédente ou de la cotisation provisoire acquittée lors de la souscription » ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher si ce mécanisme, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, quand bien même celle-ci était stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, devant laquelle M. et Mme [O] n'ont pas soutenu que le contrat, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, prévoyait une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

8. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Énoncé du moyen

9. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la MAF, alors « qu'en présence d'une clause ayant pour effet de priver de garantie l'architecte qui, par erreur a déclaré que la valeur d'un chantier était de 0,00 euros, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la MAF avait délivré à M. [Y] une attestation d'assurance dans le cadre du chantier des époux [O] ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher s'il n'en résultait pas qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité civile à l'égard des exposants, qui s'étaient fiés à cette déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel, devant laquelle M. et Mme [O] n'ont pas soutenu que l'assureur avait engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir délivré une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée, n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

11. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la société Wallyn et de les condamner à lui payer une certaine somme, alors « qu'il incombe à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux qu'il sait inefficaces ou de refuser de les exécuter s'il n'est pas suffisamment informé sur leur efficacité ; qu'en l'espèce, les époux [O] faisaient précisément valoir dans leurs conclusions que la société Wallyn aurait dû subordonner le démarrage du chantier à la remise d'une étude de sol, de nature à établir l'efficacité de la construction envisagée ; que la cour d'appel a considéré que la société Wallyn, au démarrage du chantier, n'aurait pas été informée par les exposants des études de sol réalisées en 2001 et 2004, et qu'il ne pouvait lui être reprochée de s'être abstenue de rechercher l'historique des risques à Bierne quant à la portance des sols ; qu'elle a considéré que c'est cette absence de remise d'une étude des sols qui était décisive dans l'apparition des désordres puisque cette étude « aurait permis à l'architecte et à l'entreprise d'adapter l'offre de travaux au regard des risques mis en lumière par les études » ; que la cour d'appel a pourtant écarté toute faute de la société Wallyn au seul prétexte « qu'il n'est pas démontré que celle-ci avait à sa charge une quelconque étude préalable aux travaux » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher s'il n'incombait pas à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux quand il n'était manifestement pas suffisamment informé quant à leur efficacité potentielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

13. D'une part, la cour d'appel a souverainement retenu que les fautes d'exécution de la société Wallyn n'étaient pas établies et que leur lien de causalité avec les dommages n'était, en tout état de cause, pas démontré.

14. D'autre part, elle a souverainement retenu que, s'agissant de l'obligation de conseil, contrairement à la société Wallyn, les maîtres de l'ouvrage avaient une parfaite connaissance des risques liés à l'état du terrain et qu'ils avaient délibérément omis d'en avertir l'architecte et le constructeur en ne portant pas à leur connaissance les études de sols réalisées en 2001 et 2004.

15. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la responsabilité de l'entrepreneur n'était pas engagée et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen relevé d'office

16. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :

17. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

18. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

19. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.

20. Il est jugé au visa de ces textes que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause (3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095, publié)

21. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par l'architecte aux demandes des maîtres de l'ouvrage consommateurs, l'arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d'oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d'un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

22. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui incombait d'examiner d'office le caractère éventuellement abusif d'une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

23. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la MAF, alors « qu'en cas de déclaration inexacte du risque par l'assuré de bonne foi, découverte après la réalisation du sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; que cette réduction proportionnelle doit s'apprécier au regard de l'ensemble des risques déclarés par l'architecte pendant la période d'assurance, et non chantier par chantier ; qu'en retenant à l'inverse qu' « une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie » et en appréciant ainsi la réduction proportionnelle d'indemnité au regard du seul chantier des époux [O], la cour d'appel a violé l'article L. 113-9 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen


24. La MAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le grief est nouveau.

25. Cependant, le grief, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

26. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 113-9 du code des assurances :

27. Il résulte de ce texte qu'en l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée.

28. Le contrat d'assurance ne peut déroger à ces dispositions d'ordre public en prévoyant un autre mode de calcul de la réduction proportionnelle.

29. Pour rejeter les demandes formées par les maîtres de l'ouvrage contre la MAF, l'arrêt retient que l'article 5.2 des clauses générales du contrat d'assurance et l'article L. 113-9 du code précité rattachent expressément l'obligation de déclaration à chaque mission et réduisent l'indemnité en proportion des cotisations payées pour la mission inexactement déclarée, l'absence de déclaration équivalant à une absence de garantie.

30. Il retient, ensuite, qu'une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie.

31. En statuant ainsi, alors que la réduction proportionnelle de l'indemnité due au tiers lésé ne pouvait se calculer d'après le rapport entre les cotisations payées pour la mission inexactement déclarée et les cotisations qui auraient dû être payées pour cette mission, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

32. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Wallyn, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes présentées par M. et Mme [O] contre M. [Y] et en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [O] contre la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [Y] et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Y] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [O]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. et Mme [O] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes présentées à l'encontre de M. [Y] ;

1/ ALORS QUE les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ; qu'en conséquence, la clause du contrat d'architecte, conclu avec un consommateur, qui stipule qu' « en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire » doit être interprétée en ce sens que la mise en oeuvre de la procédure judiciaire n'est subordonnée qu'à la saisine du conseil régional de l'ordre, et non à ce qu'après cette saisine, le consommateur honore le rendez-vous que lui fixe le conseil régional de l'ordre et attende son avis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « les consorts [O] ont saisi le conseil régional de l'ordre des architectes du litige le 8 novembre 2010 » (arrêt, p. 10, alinéa 3), mais, pour dire irrecevable leur action à l'encontre de M. [Y], a considéré que « la saisine obligatoire du conseil régional pour avis suppose que, notamment la partie ayant pris l'initiative de cette saisine, honore le rendez-vous fixé et attende que ledit avis soit rendu » (arrêt, p. 10, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 133-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 2 février 1995, applicable en la cause, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;

2/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en présence d'un contrat d'architecte stipulant qu' « en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire », seul le défaut de saisine du conseil régional de l'ordre, préalablement à la saisine du juge, est sanctionné d'une fin de non-recevoir ; que la mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la procédure de conciliation de la partie ayant saisi le conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, même à l'admettre, se résout en dommages et intérêts et ne donne pas lieu à fin de non-recevoir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « les consorts [O] ont saisi le conseil régional de l'ordre des architectes du litige le 8 novembre 2010 » (arrêt, p. 10, alinéa 3) ; que pour dire irrecevable leur action à l'encontre de M. [Y], elle a toutefois considéré qu'à la suite de cette saisine, ils ont, par lettre du 10 décembre 2010, sollicité l'annulation du rendez-vous prévu par le conseil régional de l'ordre au motif qu'ils avaient saisi le juge des référés d'une demande d'expertise et n'avaient pas, par la suite, contacté le conseil de l'ordre aux fins qu'il organise une nouvelle réunion ; qu'en statuant ainsi quand, à supposer même que les époux [O] aient ainsi agi de mauvaise foi, ce comportement ne pouvait être sanctionné par une fin de non-recevoir mais simplement par l'allocation de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;

3/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la clause instituant, en cas de litige portant sur l'exécution du contrat d'architecte, un recours préalable à l'avis du conseil régional de l'ordre des architectes, n'est pas applicable à l'action en référé expertise mise en oeuvre sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile dans le but de réunir des preuves ; qu'en se fondant pourtant, pour dire irrecevable l'action des époux [O] à l'encontre de M. [Y], sur la circonstance qu'avant que le conseil régional de l'ordre ait réceptionné leur courrier aux fins d'annulation de la réunion, ils avaient, le 3 décembre 2010, saisi le tribunal de grande instance de Dunkerque, quand cette saisine n'avait pour objet que de faire désigner, en référé, un expert, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Les époux [O] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande tendant à ce que la MAF soit condamnée, in solidum, avec M. [Y] et la société Wallyn, à leur payer la somme de 166 063,30 € outre la TVA au taux en vigueur au jour du paiement au titre des travaux de réfection, cette somme devant être au surplus indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 27 septembre 2011, date du devis de la société Ramery et le parfait paiement, la somme mensuelle de 1 650 € à compter du mois d'avril 2011 au titre de la perte des loyers, outre indexation sur l'évolution de l'indice IRL, soit la somme de 189 132,40 € outre la somme mensuelle de 1 829,65 € à compter d'avril 2020 jusqu'à parfait paiement, la somme de 11 542,85 € correspondant au surcoût des devis initiaux, cette somme devant être en outre indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le mois de décembre 2012 et le parfait paiement, et la somme de 20.414,13 € correspondant au coût des équipements achetés en pure perte ;

1/ ALORS QUE lorsque l'application de l'article L. 113-10 du code des assurances est stipulée dans un contrat d'assurance, elle est exclusive de l'application de l'article L. 113-9 dudit code ; qu'en l'espèce, l'article 8.2.1.2 des conditions générales de la police d'assurance stipulait au titre des « sanctions relatives à la non-fourniture des déclarations d'activité professionnelles » qu'à défaut de déclaration des activités, et après mise en demeure, « l'assuré peut mettre en recouvrement une cotisation forfaitaire qui s'élève à 150 % de la cotisation ajustée l'année précédente ou de la cotisation provisoire acquittée lors de la souscription » ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher si ce mécanisme, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, quand bien même celle-ci était stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

2/ ALORS QU'en l'espèce, l'article 5.22 des conditions générales de la police d'assurance stipulait que c'est dans le seul cas « d'absence de déclaration » que la réduction proportionnelle d'indemnité équivalait à une absence de garantie et que l'existence même de la déclaration était une condition de la garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'une déclaration de chantier avait été faite par M. [Y], mais qu'elle était erronée : « selon la lettre de M. [Y] du 3 janvier 2013 à laquelle sont jointes la déclaration initiale de chantier de l'architecte pour l'exercice 2010 "localisation du chantier [Adresse 3] d'une grange suite à sinistre incendie" et la proposition de paiement du 12 mai 2010 adressée aux consorts [O] (pièce n°20 MAF), l'architecte reconnaît que, lors de sa déclaration, il a indiqué "0,00 euros HT" à chaque ligne des éléments financiers, pour le montant des travaux exécutés relatifs à ce chantier pour l'exercice et pour l'assiette de la cotisation MAF » (arrêt, p. 11, alinéa 6) ; qu'en retenant pourtant qu' « une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie » (arrêt, p. 12, alinéa 1er), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'en cas de déclaration inexacte du risque par l'assuré de bonne foi, découverte après la réalisation du sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; que cette réduction proportionnelle doit s'apprécier au regard de l'ensemble des risques déclarés par l'architecte pendant la période d'assurance, et non chantier par chantier ; qu'en retenant à l'inverse qu' « une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie » (arrêt, p. 12, alinéa 1er) et en appréciant ainsi la réduction proportionnelle d'indemnité au regard du seul chantier des époux [O], la cour d'appel a violé l'article L. 113-9 du code des assurances ;

4/ ALORS ET PLUS SUBSIDIAIREMENT QU'en présence d'une clause ayant pour effet de priver de garantie l'architecte qui, par erreur a déclaré que la valeur d'un chantier était de 0,00 euros, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la MAF avait délivré à M. [Y] une attestation d'assurance dans le cadre du chantier des époux [O] (jugement, p. 12, alinéa 6) ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher s'il n'en résultait pas qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité civile à l'égard des exposants, qui s'étaient fiés à cette déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Les époux [O] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir débouté de leur demande tendant à ce que la société Wallyn soit condamnée, in solidum, avec M. [Y] et la MAF, à leur payer la somme de 166 063,30 € outre la TVA au taux en vigueur au jour du paiement au titre des travaux de réfection, cette somme devant être au surplus indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 27 septembre 2011, date du devis de la société Ramery et le parfait paiement, la somme mensuelle de 1 650 € à compter du mois d'avril 2011 au titre de la perte des loyers, outre indexation sur l'évolution de l'indice IRL, soit la somme de 189 132,40 € outre la somme mensuelle de 1 829,65 € à compter d'avril 2020 jusqu'à parfait paiement, la somme de 11 542,85 € correspondant au surcoût des devis initiaux, cette somme devant être en outre indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le mois de décembre 2012 et le parfait paiement, et la somme de 20.414,13 € correspondant au coût des équipements achetés en pure perte, et de les avoir condamnés à payer à la SARL Wallyn une somme de 1 121,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018 ;

ALORS QU'il incombe à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux qu'il sait inefficaces ou de refuser de les exécuter s'il n'est pas suffisamment informé sur leur efficacité ; qu'en l'espèce, les époux [O] faisaient précisément valoir dans leurs conclusions que la société Wallyn aurait dû subordonner le démarrage du chantier à la remise d'une étude de sol, de nature à établir l'efficacité de la construction envisagée (conclusions, p. 19 et 20) ; que la cour d'appel a considéré que la société Wallyn, au démarrage du chantier, n'aurait pas été informée par les exposants des études de sol réalisées en 2001 et 2004, et qu'il ne pouvait lui être reprochée de s'être abstenue de rechercher l'historique des risques à Bierne quant à la portance des sols (arrêt, p. 14) ; qu'elle a considéré que c'est cette absence de remise d'une étude des sols qui était décisive dans l'apparition des désordres puisque cette étude « aurait permis à l'architecte et à l'entreprise d'adapter l'offre de travaux au regard des risques mis en lumière par les études » (arrêt, p. 14, dernier alinéa) ; que la cour d'appel a pourtant écarté toute faute de la société Wallyn au seul prétexte « qu'il n'est pas démontré que celle-ci avait à sa charge une quelconque étude préalable aux travaux » (arrêt, p. 15, alinéa 3) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher s'il n'incombait pas à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux quand il n'était manifestement pas suffisamment informé quant à leur efficacité potentielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause.

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