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Profs : alerte sur les résultats des concours en allemand et mathématiques
Alors que 1035 postes ont été ouverts au Capes de mathématiques cette année, seuls 816 sont admissibles.
Hans Lucas via AFP

Profs : alerte sur les résultats des concours en allemand et mathématiques

Pénurie à venir ?

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Alors que 1035 postes ont été ouverts au Capes de mathématiques cette année, seuls 816 sont admissibles. Beaucoup moins que l'an dernier. Le constat est identique en allemand. Que diable se passe-t-il au ministère de l'Éducation nationale ?

Alors que 1035 postes ont été ouverts au concours du Capes de mathématiques (concours pour devenir enseignant dans le second degré en collège ou lycée), seuls 816 candidats sont admissibles en ce printemps 2022, soit moitié moins qu'en 2021 ! L'an dernier, pour 1167 postes proposés, on comptait 1706 candidats admissibles. Un résultat déjà peu flambant : 100 postes n'avaient pu être pourvus, faute d'étudiants de qualité suffisante. Ce chiffre va nécessairement augmenter…

Cette attractivité en baisse tombe d'autant plus mal que le gouvernement compte ajouter, dès septembre, 1 h 30 de maths au tronc commun de première générale à la rentrée 2022. Qui le ministère pourra-t-il bien mettre devant les élèves ? Au Capes d’allemand, la situation n'est pas franchement plus brillante. Seuls 83 candidats sont admissibles pour 215 postes ouverts. Ils étaient l'an dernier 179 pour 222 postes. La situation des professeurs des écoles serait également préoccupante selon le Snuipp-FSU, qui a alerté sur une « chute importante » du nombre de candidats présents à la session 2022. Tous les syndicats d'enseignants, à commencer par le Snes-FSU qui a rendu publics ces chiffres, s'affolent et exigent opportunément des mesures d'urgence. En cette période politique incertaine, il s'agit aussi bien entendu pour eux de peser dans le débat…

Dans un communiqué, le Snalc, « constate le marasme que le ministère souhaitait dissimuler en refusant de communiquer le nombre d’inscrits ». « Après avoir tout fait pour rendre le métier d’enseignant de moins en moins attractif et après avoir réformé le contenu et la place du concours, le ministère continuera-t-il son travail de destruction de l’École ? », interroge-t-il. Il « exige un rattrapage salarial sans contrepartie de tous les professeurs ».

Un problème transitoire pour le ministère

La situation est-elle aussi catastrophique que ce qu’affirment les syndicats ? Questionnés, les responsables des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale assurent n'avoir « aucune inquiétude » sur cette campagne de recrutement et avoir tout anticipé. Selon le directeur général de l'enseignement scolaire, Edouard Geffray, cette baisse n'est que transitoire. Il l'explique par le fait que cette session 2022 est très particulière, unique. Il s'agit en effet de la première année issue de la tout nouvelle réforme du concours enseignant. Alors que les étudiants présentaient jusqu'alors leur concours en master 1 (M1), ils le présentent désormais en master 2 (M2). « Une partie de la population des candidats est donc la même que l'an dernier. Il n’y a qu’un seul vivier pour deux concours » précise Vincent Soetemont, le responsable des ressources humaines du ministère.

Concrètement, alors que l'an dernier, le concours se passait encore en M1, des étudiants l'ont réussi et sont aujourd'hui en M2. Mécaniquement, le vivier d'étudiants susceptibles de présenter les concours est donc plus faible. Et tout aussi mécaniquement, selon la rue de Grenelle, le nombre de candidats sera bien plus important l’an prochain.

Cette baisse du nombre de candidats s'inscrit cependant aussi dans un contexte général de désaffection pour les concours de la fonction publique. Les IRA (instituts régionaux d'administration) connaissent ainsi une baisse de 15 % des candidatures. La reprise économique, la baisse du chômage, les offres d'emploi en hausse ont pu aussi faire basculer une partie des étudiants vers d'autres secteurs d'activité plus rémunérateurs…Édouard Geffray assure que le ministère avait « anticipé » cette baisse des candidatures : « Même si nous ne faisons pas systématiquement le plein dans les concours,nous nous étions donnés de la marge ces dernières années en recrutant davantage. Nous avons d’ailleurs moins de contractuels en mathématiques depuis trois ans ». Le ministère avance un chiffre de 2,9 % de contractuels (soit environ 1 000 enseignants) pour 37 730 professeurs de mathématiques.

Des tensions attendues en lettres classiques et lettres modernes

Bref, leur nombre serait suffisant pour ajouter des mathématiques en première. Entre les heures supplémentaires et les admis au troisième concours du professorat, le ministère assure pouvoir faire face. La baisse du nombre de professeurs des écoles aurait aussi été anticipée, assure Edouard Geffray qui indique que « les élèves auront bien des professeurs devant eux, y compris en mathématiques. Il n’y aura pas de déficit de professeurs à la rentrée ».

Le ministère s’attend toutefois à des tensions sur d’autres concours : en lettres classiques comme tous les ans et « un peu » en lettres modernes. Si le métier de professeur fait moins rêver qu’avant, toutes les disciplines et toutes les académies ne sont pas touchées de la même façon par cette crise du recrutement. Certes, le nombre de candidats au Capes, concours pour devenir enseignant dans le second degré en collège ou lycée, a baissé de 17 % entre 2016 et 2021. Mais cette baisse est disparate. Si le métier d'enseignant de mathématiques n’attire plus – comme dans la quasi-totalité des pays développés – le nombre d’inscrits aux concours de philosophie, histoire, sciences économiques et sociales, arts plastiques, anglais reste très important. Ce sont des concours toujours très sélectifs. Il a même tendance à augmenter en philosophie où on compte chaque année 1 500 candidats pour 100 postes!

Les disciplines scientifiques en difficulté

À l’inverse, de plus en plus abandonnés entre le collège et le lycée, le latin et le grec peinent à attirer à l’université où les étudiants ont fondu comme neige au soleil. Même problème en allemand. Mais ce sont surtout les disciplines scientifiques qui trinquent, les mathématiques en premier lieu, suivis par la physique-chimie. Logique, les débouchés sont variés pour ces étudiants qui peuvent être attirés par des poursuites d’études en écoles d’ingénieurs par exemple. Ces dernières leur offrent des métiers plus intéressants en termes d’évolution professionnelle et de salaires que celui d'enseignant.

Dans le premier degré, si le taux de réussite moyen s’établit à 30 %, il varie de 15 % à Montpellier contre 66 % à Créteil. Créteil et Versailles sont les académies les plus en difficultés.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne