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Témoignage

« Ni graphiste, ni geek, je suis devenue architecte virtuelle (presque) malgré moi ! »

TEMOIGNAGE// Marie Jimenez, 34 ans, est une professionnelle de l'événementiel. La pandémie a arrêté totalement son activité. En bidouillant sur son ordinateur, elle s'est découvert une passion pour l'architecture virtuelle. Devenue professionnelle, cette autodésignée « magicienne du web » se voit comme une alternative au metaverse.

« Je ne prônais pas le digital et pourtant je donne aujourd'hui vie à des rêves sur le web. »
« Je ne prônais pas le digital et pourtant je donne aujourd'hui vie à des rêves sur le web. » (DR)
Publié le 19 avr. 2022 à 07:00Mis à jour le 20 avr. 2022 à 16:52

« J'avais plus d'une centaine d'événements à mon actif lorsque la pandémie a stoppé net mon activité, après dix ans de carrière. En 2020, il y a eu ceux qui ont pris le virage du digital et les autres, convaincus que rien ne pouvait remplacer le présentiel, surtout dans mon secteur.

Personnellement, je n'ai jamais prôné le numérique à tout-va, mais je suis curieuse de ce que l'on peut en faire. Alors, j'observe, je fais de la veille sur internet, je m'inscris à des webinaires sur le sujet, dès que je le peux. J'ai déjà l'intime conviction que les outils dématérialisés peuvent réunir des personnes à distance, communiquer des messages au plus grand nombre. Mais l'émotion, l'effet de surprise, la chaleur des contacts humains IRL me manquent.

Pas étonnant puisque faire vivre aux gens une expérience différente de leur quotidien, c'est l'essence même de mon métier dans l'événementiel. Je conçois, pilote et encadre des événements (voyages, séminaires, soirées, team building, street marketing, etc.) d'entreprises dans les secteurs de l'environnement, des médias, de l'assurance, et de l'agroalimentaire.

Mais, un jour, une demande change le cours de ma carrière.

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Il était une fois une cafétéria…

La fondatrice de Brains with Benefits, une communauté d'entrepreneurs à laquelle j'appartiens, me sollicite pour trouver un moyen de fédérer le réseau à distance. Ce jour-là, je viens de visionner une vidéo d'un professeur de SVT qui a créé sa classe virtuelle pour redonner goût à ses élèves de suivre ses cours.

D'un coup, à 2 heures du matin, seule dans mon salon, j'ai connecté les deux infos.

S'il y a bien un endroit pour créer des liens dans le monde professionnel, c'est la cafétéria. Alors pour nous créer un espace commun, je commence à créer virtuellement une cafét' sur Photoshop, en pleine nuit. Je pense la machine à café comme la pièce maîtresse de cette salle virtuelle. En cliquant c dessus, il est possible de se retrouver en ligne et de papoter via un chat à toute heure de la journée. Pour que tout le monde puisse se sentir chez soi, j'ajoute dans ce décor créé de A à Z, un coin presse et un tableau d'informations. Je mets aussi à disposition des jeux, de la musique, une panière de fruits, des tasses logotées, etc.

Des heures de recherche, de détourage et d'aménagement plus tard, « La Cafette » est née.

La suite de l'histoire a dépassé mes espérances car un an après son inauguration, ce lieu (accessible via un simple URL) est devenu le rendez-vous incontournable pour la cinquantaine d'entrepreneurs de la communauté. En plus de s'y retrouver de manière récurrente tous les lundis matin pour échanger, cette salle virtuelle se transforme au fur et à mesure en un espace de réception où sont régulièrement organisés des ateliers.

Formations éclaires

Pour continuer sur cette lancée, je décide de me former. Diplômée d'une licence en psychologie de l'université de Paris Cité et d'un master en communication d'entreprise à l'ISCPA (Ecole de journalisme et de communication), je recommence une formation de quatre jours pour devenir décoratrice d'intérieur, financée par l'Agefice (Association de gestion du financement de la formation des chefs d'entreprise). En parallèle, une directrice artistique me coache pendant l'équivalent de deux jours entiers.

Progressivement, je diversifie mes univers. Un mois après la réalisation de la Cafette, des chefs d'entreprise et des créateurs commencent à taper à ma porte. Comme ce chef cuisinier qui rêvait de monter son bistrot chic lorsque la pandémie est arrivée. Je lui imagine donc son restaurant virtuel. Ou encore comme cette entrepreneuse qui voulait partager son travail et sa vision de l'industrie textile sur un site web qui lui ressemble.

L'expérience du restaurant.

L'expérience du restaurant.MaJi

Restaurant, showroom ou stand de mode… Bien qu'ils puissent sembler réels, ces lieux n'existent pas autrement qu'en ligne. Je pense chaque mètre carré comme un décor numérique en 2D. Comme j'ai à coeur que mes clients se sentent chez eux, j'aime glisser dans le « tableau » que je leur dessine, leur boisson préférée ou leur numéro fétiche. Pour eux, c'est un moyen de se démarquer sur la communication de leur projet.

Deux activités pros en parallèle

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En moyenne, concevoir une salle virtuelle me prend entre une à trois semaines. Aujourd'hui, je vends donc principalement « mon temps » et je ne fais que du sur-mesure. Mon activité ayant près de trois ans, j'essaie encore de trouver le juste équilibre entre le temps passé et la rétribution.

Le prix d'une pièce virtuelle est minimum de 2.000 euros. Lorsque la salle virtuelle est livrée, je leur donne le lien, puis je laisse la possibilité à mes clients d'être complètement autonome sur l'outil, en leur proposant une formation ou j'assure une maintenance s'ils préfèrent du clé en main. En 2021, j'ai fait 30.000 euros de chiffre d'affaires. Actuellement, mon activité professionnelle est encore divisée entre la création d'événements et les salles virtuelles. En fonction des périodes, j'ajuste : l'une prend le pas sur l'autre.

Au total, j'ai investi bien plus de temps que d'argent finalement. Pour la partie graphique, j'ai souscrit à plusieurs abonnements, j'ai repris quelques leçons sur Photoshop et visionné des heures de vidéos tuto !

Une alternative à la 3D

Maintenant que je maîtrise la technique, ma principale difficulté est le manque de temps. J'ai plein d'idées, d'univers que je rêve de créer, tels qu'un musée ludique, un cabinet virtuel d'un thérapeute, une bibliothèque scolaire mobile… Je n'ai même pas encore eu le temps de créer mon bureau virtuel pour recevoir mes prochains clients.

Alors que le mot « metaverse » est sur toutes les lèvres, j'ai l'impression de rester une alternative à la 3D. Je propose à ma façon (encore très artisanale) de plonger dans un lieu de vie 100 % digital, sans casque ni avatar. »

À noter

Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n'hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

Et pour lire d'autres témoignages inspirants, c'est ICI .

Marie Jimenez

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