Vue d'une borne pour recharger les voitures électriques le 18 décembre 2012 près d'un hypermarché Leclerc à Pont-L'Abbe, le jour de la livraison par Renault de dix voitures électriques de modèle Zoe

Dans son dernier baromètre publié au mois d'avril, l'Avere, une association regroupant les acteurs français de la mobilité électrique, comptabilise 86 installations pour 100 000 habitants.

afp.com/FRED TANNEAU

C'est le dernier chic en matière de mobilité : louer sa propre station de recharge pour véhicule électrique, via une application sur smartphone. Les bornes publiques restant relativement rares, ce nouveau type de service doit permettre aux conducteurs de faire le plein d'énergie plus facilement, assurent les start-up à l'origine de l'initiative. Mais qu'en est-il vraiment sur le terrain ? La France est-elle si mal équipée ? Sommes-nous très en retard par rapport à nos voisins ? Une étude publiée récemment par la société ChargeUp donne quelques éléments de réponse. Selon elle, les Pays-Bas disposaient fin 2021 d'une avance considérable sur le reste de l'Europe avec 699 bornes de recharges publiques pour 100 000 habitants. La France, elle, pointait à la 11e place avec 44 bornes pour 100 000 habitants.

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Une image peu flatteuse mais qui doit cependant être nuancée. Car en matière de mobilité, la situation évolue rapidement et certains chiffres paraissent déjà obsolètes. Dans son dernier baromètre publié au mois d'avril, l'Avere, une association regroupant les acteurs français de la mobilité électrique, comptabilise 86 installations pour 100 000 habitants et note que nos investissements croissent à un rythme soutenu : +54% sur les douze derniers mois. Si nous restons loin des Pays-Bas, nous profitons donc quand même d'une belle dynamique.

Le hic ? Celle-ci est surtout à mettre au crédit du secteur privé et des particuliers, qui détiennent la plus grosse partie des équipements. "Les grands centres commerciaux sont en train d'équiper massivement leurs parkings. Des projets très conséquents qui se chiffrent en milliers de bornes ouvertes au public", constate Christelle Vives, directrice générale d'Izivia, une filiale d'EDF dédiée à la mobilité électrique. "Selon les chiffres d'Enedis, la France comptait 883 000 points de recharge en 2021. Mais dans ce total la part du réseau public ne dépassait pas 6%", souligne Clément Molizon, délégué général de l'Avere. Cette disproportion n'affole pas les spécialistes. Dès 2011, la France s'était donné pour objectif de déployer une borne en accès libre pour dix véhicules électriques en circulation, comptant justement sur la montée de l'équipement privé pour répondre à une partie des besoins.

"Avec l'électrique, il ne faut pas raisonner comme pour le moteur à essence, confie Gilles Bernard, Président de l'Association Française pour l'Itinérance de la Recharge Électrique des Véhicules (Afirev). Il pourrait être tentant d'installer de grosses stations de recharge partout et des batteries volumineuses sur l'ensemble des véhicules. Mais cela coûterait trop cher. Par ailleurs, cela ne collerait pas avec le monde dans lequel nous entrons qui nous demande d'être plus économes en matières premières ou d'énergie".

Une IA pour trouver les meilleurs emplacements

Identifier les vrais besoins se révèle complexe. Au point que certains experts préconisent l'usage de l'intelligence artificielle. "Pour trouver le bon équilibre, il faut tenir compte de la démographie des villes, des flux de vacanciers, des contraintes du réseau électrique déjà très sollicité en hiver... La solution ne viendra pas d'un calcul sur un coin de table. Un algorithme pourrait aider en désignant des emplacements optimaux", estime Olivier Thomine, fondateur d'Epidemap, un outil de simulation d'épidémie.

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Pour l'heure, l'Etat s'en remet plutôt à l'intelligence humaine. Il oblige les collectivités locales à établir des schémas directeurs d'équipement afin de répartir les bornes de recharge sur le territoire. Nombre de spécialistes et de sociétés proposent leur expertise afin de faciliter ce travail. Mais les régions n'avancent pas toutes au même rythme. "Si certaines ont déjà bien progressé, d'autres restent à la traîne et semblent moins convaincues par la voiture électrique", constate Gilles Bernard. "Les schémas directeurs en sont encore à leurs prémices. Les plus avancés ne seront pas terminés avant 2023", confirme Clément Molizon.

Les propriétaires de véhicules électriques voient tout de même leur horizon se dégager. "Grâce à la loi française, l'une des plus incisives en Europe, l'itinérance, qui permet à un conducteur de véhicule d'accéder à un maximum de bornes quel que soit l'opérateur, se concrétise", constate Gilles Bernard. Même Tesla commence à ouvrir son réseau à d'autres marques de véhicules. Parallèlement, le déploiement de stations de charge rapide se poursuit le long des autoroutes Tous les deux mois, les services de l'État organisent une réunion de suivi avec les aménageurs, les autoroutiers... En contrepartie des subventions octroyées, ils peuvent exiger des adaptations dans le nombre de points de charge ou sur la façon dont sont conçues ces installations.

De fait, l'Afirev pointe davantage la qualité de service - encore insuffisante - que le manque de bornes. "Aujourd'hui, un des sujets majeurs de mécontentement des utilisateurs concerne le prix. La complexité des tarifs est telle que certains clients se sentent perdus", affirme Gilles Bernard. De manière générale, 73 % des sessions de recharge se déroulent correctement, selon les dernières enquêtes de terrain. Mais cela signifie qu'un quart environ des utilisateurs rencontrent un problème.

Parfois la connexion s'avère impossible : le conducteur passe son badge mais rien ne se passe. Dans d'autres cas, la recharge s'interrompt avant son terme. Il arrive aussi que certains utilisateurs n'arrivent pas à débrancher le câble de leur voiture. "Alors qu'en téléphonie mobile les taux de satisfaction des clients atteignent 90%, nous sommes, en fonction du nombre de critères retenus, entre 60% et 80 % pour le service de recharge. La maturité du système n'est pas là. Elle doit encore progresser, conclut Gilles Bernard." Christelle Vives tempère : "le savoir-faire évolue. Les matériels utilisés semblent poser moins de difficultés que par le passé".

Cependant, en raison de l'épidémie de Covid, les collectivités locales ont manqué de personnel et de pièces détachées pour effectuer l'entretien de leurs bornes sur la période récente. La situation devrait s'améliorer cette année. En revanche, l'éducation de certains conducteurs reste à faire. "Régulièrement, des propriétaires de véhicules hybrides râlent car ils ne parviennent pas à utiliser les points de charge rapide, alors que ces installations sont conçues pour le 100% électrique", note Gilles Bernard. Preuve qu'il a autant besoin de pédagogie que de bornes supplémentaires.

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