« Nous partageons le constat qu'il y a de plus en plus de risques environnementaux, que nous devons évoluer pour les assurer, que l'État n'y est pas préparé, a pointé Mélanie Vogel, sénatrice du groupe Socialiste, écologiste et républicain (Ser) et rapporteure de la mission d'information sur la construction d'une sécurité sociale écologique (1) . Il faudra toutefois trouver les modalités du financement. Nous n'avons pas pu trouver de consensus au sein de la mission », a-t-elle précisé lors de la présentation à la presse des travaux, mercredi 6 avril.
Lors de l'adoption du rapport, le groupe Les Républicains s'est effectivement abstenu et celui de l'Union centriste n'y a pas pris part. « Nous avons apporté une contribution annexée au rapport pour alimenter les réflexions futures », a néanmoins indiqué Guillaume Chevrollier, sénateur du groupe Les Républicains et président de la mission. Les enjeux du sujet impliquent, en effet, qu'il soit inscrit à l'agenda des discussions parlementaires sans trop tarder, dans un contexte d'érosion de la biodiversité et de changement climatique.
La mission d'information sénatoriale propose quatre axes pour contribuer à la réflexion et à la construction d'une sécurité sociale écologique. Avec tout d'abord, l'intégration de l'environnement dans le système de santé.
Un rééquilibrage en faveur de la prévention
La marche à franchir pour la prise en compte de la santé environnementale est importante. L'intégration du concept une seule santé (One health) – entre celle de l'homme, des animaux et l'état de l'environnement – reste timide. Le cloisonnement entre les disciplines et les politiques ne permet pas une approche globale. La mission souhaite l'intégration des impacts environnementaux dès la conception des politiques publiques. Parmi les propositions : l'intégration d'un volet climatique et de la santé environnementale dans les études d'impact des projets de loi ou encore l'élaboration d'un plan quinquennal d'adaptation du système de protection sociale prenant en compte une cartographie des risques.
Mais le secteur de la santé lui-même devra aussi amorcer sa transition, car il contribue à environ 4,6 % des émissions de gaz à effet de serre. « La santé occupant une place croissante dans les négociations internationales, la France devrait signer l'Appel de Glasgow, de novembre 2021, en faveur de l'instauration de systèmes de santé résilients aux changements climatiques et à faibles émissions de carbone », a interpelé Mélanie Vogel.
La mission préconise également de mettre l'accent sur les politiques de prévention. « Nous ne pouvons pas rester dans un système qui court après les remboursements, avec une augmentation des risques, dans un contexte de crise environnementale et climatique », a souligné Mélanie Vogel. Si la prévention est désormais mieux prise en compte, notamment avec la stratégie nationale de santé 2018-2022 (2) , des efforts conséquents demeurent à réaliser. « D'après l'OCDE, les dépenses de santé́ consacrées à la prévention se situeraient aux alentours de 2 % et sont surtout nettement en dessous de la moyenne des autres pays de l'Union européenne, soulignant ainsi le retard pris par la France en ce domaine », pointe la mission. La Cour des comptes a évalué à environ 15 milliards d'euros l'ensemble des dépenses liées à la prévention (3) . Mais cette somme conséquente ne serait rien en comparaison du coût de l'inaction, selon la mission. Elle estime même, en prenant l'exemple d'une étude scientifique reposant sur l'exemple de la ville de Grenoble, que les mesures de prévention seraient finalement rentables. Dans ce cas, améliorer la qualité de l'air pourrait permettre une économie allant jusqu'à 8,7 milliards d'euros en trente ans.
Un financement de la sécurité sociale à revoir
Le coût des sinistres liés à des événements naturels pourrait, quant à lui, atteindre 143 milliards d'euros entre 2020 et 2050, soit une augmentation de 93 %, selon une étude de France Assureurs.
Si des réformes ont déjà été engagées pour y faire face, comme l'évolution du régime des catastrophes naturelles et la refonte de l'assurance agricole, des efforts restent à faire concernant le système de santé, second axe de la mission. « Le changement climatique menace le modèle de couverture des risques, a alerté Mélanie Vogel. L'équilibre financier de notre système de protection sociale lui-même repose sur la croissance, dont dépendent ses ressources. »
Le bât blesse toutefois sur les modalités de financement. La rapporteure défend l'idée de la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale spécialisée dans la couverture des risques environnementaux. « Un tel mécanisme unifierait une grande partie des dépenses liées au changement climatique et à la transition écologique de façon à disposer de la visibilité et des marges de manœuvre nécessaires à une action efficace, tout en maintenant une gouvernance démocratique dans le cadre de la sécurité sociale », argumente-t-elle. Une autre option pourrait être la création d'un fonds pour l'environnement.
Des idées que rejettent notamment les groupes Les Républicains et Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) et qui alimenteront certainement de futurs débats parlementaires.
Prendre en compte l'évolution des métiers
Le troisième axe de la mission s'attarde sur les évolutions liées aux changements climatiques, qui vont conduire à une mutation des secteurs professionnels. Elle propose de l'accompagner et d'améliorer la prévention de la santé au travail. « Pour tous les travailleurs, l'impact du changement climatique se ressent, notamment pour ce qui concerne la chaleur et la pollution, note Mélanie Vogel. Les évaluations quantitatives d'impact sur la santé (EQIS) sont cependant insuffisantes, faute du déploiement satisfaisant du document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp), qui fait encore défaut pour 55 % des employeurs. »
Enfin, dernier axe de la mission : l'importance de l'alimentation dans le maintien en bonne santé des individus. La rapporteure propose notamment la mise en place d'une allocation alimentation universelle. « L'idée est de garantir la possibilité d'un accès à des produits locaux et biologiques et permettre d'accompagner la transition de l'agriculture », a détaillé Mélanie Vogel.