Transports de marchandises par drones, une activité à risque
Phénomène récent, l’utilisation des drones à usage professionnel est en pleine expansion. Cette activité exige une couverture d’assurance adaptée, alors que l’Europe est en train de bâtir un nouveau cadre réglementaire. Analyse de Cassandra Rotily, doctorante en droit public à l'université de Haute-Alsace, et Laurent Archambault, avocat au sein du cabinet Selene Avocats et membre du conseil pour les drones civils.
LA RÉDACTION
\ 17h00
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Depuis quelques années, les géants de la distribution, à l’instar d’Amazon ou d’UPS, travaillent à la mise au point de systèmes toujours plus perfectionnés de livraison de marchandises par drone. En France et ce dès 2014, DPD Group a lancé un projet de recherche en partenariat avec Atechsys afin de livrer des colis par drones.
Après plus de 600 vols tests et la création d’un terminal sécurité de livraison, DPD Group annonçait en 2016 avoir reçu l’aval de la direction générale de l’aviation civile pour livrer des colis par drones sur une ligne régulière de 15 kilomètres, reliant Saint-Maximin-La-Sainte-Baume à Pourrières dans le Var. En 2019, DPD Group a annoncé tester une deuxième ligne commerciale régulière de livraison par drones entre Grenoble (Isère) et un village de montagne de la région difficile d’accès.
Si le recours aux drones pour la livraison de marchandises est amené à se développer et représente un marché considérable, encore reste-t-il à envisager le cadre légal de ce type d’opérations en France et du transfert de ces risques à l’assurance.
L’encadrement du vol de drones de transport de marchandises
Les deux arrêtés du 17 décembre 2015 réglementent l’usage des drones civils, en fonction de l’utilisation qui en est faite. Lors des vols tests, le régime juridique applicable est celui de l’expérimentation (applicable aux vols de développement ou de mise au point du drone ou de son système de commande).
Une fois le drone mis au point, la réglementation applicable aux « activités particulières », soit les usages dits « professionnels » des drones, a vocation à s’appliquer. Elle identifie quatre scénarios d’utilisation prédéfinis, dits « scénarios opérationnels » (S1, S2, S3 et S4) pour lesquels les règles à respecter ont été définies dans le détail (vols à vue ou hors vue, en zone peuplée ou non peuplée).
Tout vol en dehors de ces quatre scénarios ou par dérogation aux règles applicables à ceux-ci n’est pas forcément interdit. Cependant, il ne peut être envisagé que dans le cadre d’une autorisation spécifique, après étude au cas par cas d’un dossier justifiant le maintien d’un niveau de sécurité acceptable. C’est cette autorisation spécifique, dérogatoire aux scénarios opérationnels, qui est plébiscitée en cas de livraison de colis par drone, du fait de la particularité et de la complexité de la mission.
Toutefois, ces dispositions vont être amenées à changer du fait de l’instauration d’une nouvelle réglementation européenne. La Commission européenne a en effet publié, le 11 juin 2019, deux règlements européens relatifs à la sécurité des aéronefs sans équipage dans le but d’harmoniser le cadre réglementaire en Europe. Les dispositions européennes relatives à l’usage des aéronefs sans équipage à bord s’appliqueront progressivement à partir du 1er juillet 2020. D’ici là, le cadre national en vigueur demeure applicable. La nouvelle réglementation européenne prévoit désormais trois catégories d’usage du drone : la catégorie Open, la catégorie Specific et la catégorie Certified.
Dans les faits, les actuels scénarios des activités particulières seront convertis en scénarios standards déclaratifs, avec des conditions différentes. Ainsi, les livraisons de colis par drone devraient être facilitées, car il y aura une régulation harmonisée pour tous les pays de l’Union européenne. De plus, U-Space (système européen visant à garantir la cohabitation des drones avec l’aviation classique) devrait contribuer à réduire, le moment venu, les formalités administratives préalables à la livraison transfrontalière par drone, sous réserve d’une couverture assurantielle adéquate.
L’assurance des drones professionnels dans un marché en plein essor
L’emploi croissant des drones représente une source de risques non négligeable (drone objet du sinistre ou bien vecteur de dommages, y compris dans le cas de détournements éventuels à des fins terroristes). Le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) a notamment révélé plusieurs incidents graves impliquant des drones, comme des collisions évitées de justesse avec des avions de ligne (Rapport BEA 2016-0395 et 2016-0098) ou encore le cas d’un drone ayant heurté deux personnes lors d’un festival (Rapport BEA 2019-0416). D’où apparaît la nécessité d’offrir une couverture assurantielle optimale aux exploitants de drones.
L’arrêté dit Conception du 17 décembre 2015 ne précise pas en tant que tel les modalités d’assurance des drones. Cet arrêté vise simplement la réglementation générale européenne en matière d’assurance aérienne à savoir le Règlement (CE) n° 785/2004 relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs. La DGAC a confirmé que cette obligation d’assurance s’appliquait à tous les drones à usage professionnel. L’article 7 de ce règlement prévoit pour les exploitants d’aéronefs une garantie minimale de 750 000 DTS (droits de tirages spéciaux), soit environ 1 M€.
Le secteur de l’assurance offre bon nombre de possibilités face à la multiplicité des risques. Si les couvertures classiques (responsabilité civile (RC), dommages corporels, matériels et immatériels) s’imposent, il convient également d’envisager celles relatives à des activités plus spécifiques (responsabilité civile professionnelle (RC pro) pour les activités commerciales à enjeu financier important comme le transport récurrent de marchandises), ainsi que celles permettant de couvrir les bris de machine (drones et charges utiles) et les risques d’atteintes à la vie privée et aux données personnelles (5). Bien entendu, l’exploitant d’un drone devra étudier les clauses d’exclusion d’assurance.
La Commission européenne a encouragé la déclaration des incidents liés aux drones par les télépilotes. À l’avenir, cette communication de rapports d’incidents aux autorités compétentes jouera un rôle déterminant pour les compagnies d’assurance dans leur analyse des risques, sur le fondement de laquelle les primes d’assurance responsabilité civile sont établies.
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