La transparence des dépenses de campagne, dont une partie importante est prise en charge par l’Etat (et donc par les Français) n'est visiblement pas prioritaire pour la plupart des candidats à la présidentielle. Trois mois après la publication d’une tribune des ONG Transparency et Anticor dans Le Monde, qui appelait les candidats à publier en temps réel leurs comptes de campagne sur Internet afin de permettre un “contrôle citoyen”, seul l’écologiste Yannick Jadot s’est, à ce stade, emparé de cette recommandation.

“Je vous rejoins sur le constat que la défiance de nombre de nos concitoyens à l’égard de la politique est alimentée par l’opacité qui règne sur les questions de financement politique et par les différents scandales qui ont éclaboussé les récentes campagnes (...) Cette exigence de transparence est d’autant plus impérieuse que l’exercice démocratique dans notre pays est très largement financé sur fonds publics”, écrivait le candidat fin janvier, dans un courrier adressé aux deux associations dont Capital a pris connaissance.

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Depuis, Yannick Jadot a tenu son engagement et publie régulièrement l’état de ses dépenses et recettes de campagne sur le site transparence.jadot2022.fr. On y apprend par exemple que l’organisation du meeting de Lyon (le 29 janvier) a coûté 120.000 euros. Ou encore qu’une enveloppe légèrement supérieure à 50.000 euros a été consacrée à la commande de divers sondages et enquêtes d’opinion, au mois de mars.

De son côté, l’équipe de Jean-Luc Mélenchon a consenti à dévoiler aux associations certains éléments relatifs au financement de sa campagne présidentielle - prêt bancaire de 6,4 millions d’euros sollicité par le mandataire financier auprès du Crédit coopératif, mise à disposition de certains salariés de La France insoumise (LFI) pour la campagne - mais s’est opposée à la publication de l’état de ses comptes en temps réel sur Internet.

"Nous allons rendre publique une partie des éléments financiers relatifs à la campagne de Jean-Luc Mélenchon dans les jours à venir", affirme à Capital le trésorier, Maxime Charpentier. "Toutefois, poursuit-il, nous ne publierons pas l'intégralité de nos dépenses et recettes pour ne pas risquer d'interférence avec le travail de contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP)", l'autorité indépendante en charge de vérifier les dépenses de campagne des candidats.

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Dans un courrier consulté par Capital, Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, justifie également ce refus en invoquant la charge de travail supplémentaire et le risque d’instrumentalisation médiatique et politique d’une telle pratique. Les ennuis judiciaires de Jean-Luc Mélenchon et ses proches, dont les comptes de campagne 2017 sont au centre d’une interminable enquête, expliquent peut-être cette frilosité inhabituelle, pour un candidat partisan de la transparence.

7 candidats n'ont pas répondu aux associations

Toujours à gauche du champ politique, Anne Hidalgo, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou ont répondu aux ONG en clamant leur attachement à la transparence en matière de financement des campagnes électorales. Mais aucun de ces trois candidats n’a publié son compte de campagne en temps réel, comme le réclamaient Anticor et Transparency. Et ce, même si les deux représentants de la gauche anticapitaliste ont fourni quelques éléments budgétaires. De son côté, Anne Hidalgo préfère s'en remettre au travail de la CNCCFP, organisme habilité par la loi pour contrôler les comptes de campagne.

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Enfin, à l’instar du président sortant Emmanuel Macron, 6 candidats (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle, Fabien Roussel) n’ont pas apporté de réponse aux sollicitations, pourtant réitérées, des associations. “La réaction des candidats est décevante au regard du consensus sur la nécessité d’une réforme du financement des campagnes électorales qui a progressivement émergé en France jusqu’à devenir une évidence à la suite du procès Bygmalion fin 2021”, regrettent Anticor et Transparency dans un communiqué commun. En septembre 2021, à l’issue du procès Bygmalion, l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy avait été condamné à un an de prison ferme pour financement illégal de sa campagne électorale de 2012. Une décision dont il a fait appel.

Cette affaire avait mis en lumière les failles du système français de contrôle des dépenses de campagne électorale. Pour rappel, la CNCCFP n’effectue son contrôle qu’à l’issue du dépôt des comptes de campagne des candidats, qui doit intervenir dans les deux mois suivant le second tour de l’élection. Un fonctionnement qui ralentit considérablement la détection d’éventuels dépassements du plafond des dépenses de campagne, fixé par la loi à 16,8 millions d’euros par candidat pour le premier tour, et 22,5 millions d’euros pour le second. “Une publication volontariste des candidats [aurait permis] à la CNCCFP d’effectuer un travail de contrôle des dépenses engagées avant le dépôt des comptes de campagne, et ainsi de prévenir d’éventuels dépassements. Malheureusement, une grande partie de la classe politique française continue de penser qu’elle a plus à perdre qu’à gagner électoralement et politiquement à faire de la transparence et de l’exemplarité des priorités”, regrette le communiqué d’Anticor et Transparency.