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Green Economie

Le Crédit mutuel : première banque entreprise à mission

Si la finance se met progressivement au vert, la banque mutualiste basée à Strasbourg est la première à s'être enregistrée comme entreprise à mission en 2020. Et elle s'engage par des actes.

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Pour Nicolas Théry, dirigeant du Crédit Mutuel, le statut d'entreprise à mission est devenu un vecteur de transformation.

Antoine Doyen

Egalité salariale entre hommes et femmes, recrutements d'alternants issus de zones rurales, investissement de 3 milliards d'euros dans des entreprises françaises… Le Crédit mutuel alliance fédérale, première banque à mission, a récemment donné un coup d'accélérateur à ses engagements sociétaux et environnementaux. L'alliance réunissant 14 des 19 fédérations du groupe Crédit mutuel s'est fixé une série d'objectifs à atteindre avant la fin de l'année 2022. "Allier mutualisme et entreprise à mission, on n'y croyait pas, reconnaissait son président Nicolas Théry le 19 janvier en présentant ses résolutions. Mais la pandémie nous a fait changer d'avis." Pour cet inspecteur des finances, ce statut est devenu un vecteur de transformation du groupe autour "du mutualisme de la preuve".

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Ces annonces reprennent des engagements déjà connus, dont la mesure choc de la suppression du questionnaire santé pour l'octroi d'un crédit immobilier. Cette politique inédite a alors mis en rogne les autres acteurs de la finance française: le Crédit mutuel chiffre son coût à 70 millions cette année. "Le coût d'une belle campagne de publicité", grinçait le directeur général d'Aéma (Macif, Aésio, l'Abeille), Adrien Couret. Mais, dans le sillage du Crédit mutuel, le Parlement a voté l'élargissement de cette mesure à toutes les banques françaises début février.

Certaines promesses de la banque retiennent l'attention. Sur le volet social, par exemple, le Crédit mutuel veut embaucher 25% d'alternants venant des quartiers prioritaires de la ville et des zones rurales. "C'est une stratégie astucieuse, d'autant que les banques de détail ont du mal à recruter", analyse Guillaume Larmaraud, associé en charge des services financiers et de l'assurance à Colombus Consulting. Le secteur souffre d'un manque de glamour et les rémunérations y sont faibles.

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Exit le gaz et le pétrole

Au chapitre environnement, le Crédit mutuel promet de ne plus financer les nouveaux projets en gaz et en pétrole fin 2022. Hormis le Crédit coopératif, petit établissement rattaché à BPCE, qui ne soutient que des projets en énergies renouvelables, les banques françaises sont loin du compte. Elles ont ainsi limité les financements de projet de pétrole non conventionnel -gaz de schiste, sables bitumineux- tout en se laissant une marge de manœuvre plus ample pour le reste.

La Société générale, par exemple, continuera de financer des acteurs qui tirent moins de 30% de leurs revenus de l'exploration d'hydrocarbures comme TotalEnergies et Saudi Aramco.

"Comparer les banques mutualistes et les banques dites capitalistes n'a pas de sens, s'indigne un concurrent d'une banque cotée. Les mutualistes ont plus de liberté d'action, quand nous sommes limités dans nos ambitions par l'exigence des dividendes à verser à nos actionnaires." Le CAC 40 garde un souvenir glacé du destin du dirigeant d'une entreprise à mission emblématique. Emmanuel Faber, alors président de Danone, s'était fait brutalement évacuer l'an dernier par des actionnaires réclamant plus de rentabilité.

D'autres déclarations du Crédit mutuel s'inscrivent dans l'air du temps sans être particulièrement novatrices ou chiffrées. Ainsi, par exemple, de l'ambition relative à la gouvernance "d'encourager les jeunes et les femmes à se porter candidats pour se rapprocher de la parité dans les conseils d'administration", ou le projet "d'investir les gains de productivité issus de l'intelligence artificielle dans l'emploi et le développement".

Audit externe

D'autres encore rendent compte d'un état de fait, comme la promesse de "garantir l'intimité des données" des clients du Crédit mutuel en traitant 99,9% de leurs informations dans des infrastructures et systèmes localisés en France.

"A la différence des fintechs, peu régulées, les banques ont pour interdiction de transmettre les data de leurs clients en tant qu'intermédiaires de confiance", souligne Guillaume Larmaraud. Quant à localiser ces données sur le territoire, "cet objectif présente peu de difficultés pour une banque franco-française, dit-il. En règle générale, les données d'un établissement bancaire sont hébergées sur le territoire de ses clients." Tout centraliser en France ou en Europe devient complexe pour les banques très présentes à l'international, comme BNP Paribas, Société générale ou le Crédit agricole. Mais là où le Crédit mutuel innove, c'est que les données des clients de sa banque allemande Targobank sont aussi stockées sur un cloud français.

Plus largement, "les banques systémiques (Société générale, BNP Pa-ribas, Crédit agricole et BPCE) n'ont pas la même taille et la même exposition de portefeuilles que le Crédit mutuel, acteur plus modeste, pointe un concurrent. Il faut comparer ce qui est comparable."

Reste que la démarche portée par Nicolas Théry est relativement nouvelle dans le paysage financier. "Si toutes les banques se sont choisi une raison d'être, le Crédit mutuel, outre les petits acteurs en ligne Boursorama (Société générale) et Helios, demeure la seule à s'être statutairement définie en tant que société à mission", remarque Marine Laufer-Tourte, associée spécialiste de la finance durable à Colombus Consulting.

Et pour cause: ce statut, né de la loi Pacte de 2019, implique une batterie de contraintes, comme de créer un comité de mission chargé de surveiller l'exécution des ambitions RSE, et de faire appel à un auditeur externe qui en contrôlera les résultats. Mais le mutualiste a su faire une force de cette contrainte. Il a obtenu que l'ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin, devenue investisseuse star avec son fonds Korelya Capital, prenne la présidence du comité. Une vigie à la fois médiatique et engagée.

Nicolas Théry 
              
                (en haut 
              
              ) et Fleur Pellerin 
              
                (ci-dessus) 
              
              à la présentation des engagements RSE du Crédit mutuel, le 16 janvier, à Paris.
            
            Pour le dirigeant du groupe, le statut d\'entreprise à mission est devenu un vecteur de transformation. Sous l\'œil vigilant du comité présidé par l\'ex-ministre.

Nicolas Théry (en haut ) et Fleur Pellerin (ci-dessus) à la présentation des engagements RSE du Crédit mutuel, le 16 janvier, à Paris. Pour le dirigeant du groupe, le statut d'entreprise à mission est devenu un vecteur de transformation. Sous l'œil vigilant du comité présidé par l'ex-ministre. (Julien de Fontenay)

Que font les autres banques?
Depuis le Sommet Action Climat des Nations Unies en 2019, les financiers ont multiplié les annonces publiques pour enrayer le dérèglement climatique, notamment autour d'un foisonnement d'alliances "Net Zero" réunissant banques, assureurs et gestionnaires d'actifs. Les grands noms de la finance française - BNP Paribas, Société générale, le Crédit agricole, la Banque Postale, le groupe BPCE, Axa, Scor, Amundi… -y figurent.
L'objectif commun est de décarboner leurs portefeuilles d'actifs à horizon 2050, une ambition de plus en plus ardue alors que la demande en gaz et pétrole naturel augmente. Plus précisément, la Société générale veut réduire les émissions de CO2 des actifs qu'il détient dans le transport maritime de 40% d'ici 2030. Les banques mutualistes s'engagent sur l'inclusion bancaire: BPCE, via le Crédit Coopératif, a 50% de sa clientèle “personnes morales” composée d'associations et de bailleurs sociaux. Le groupe est en outre le premier financeur de l'économie sociale et solidaire. Quant à la Banque postale elle assure une mission publique d'accessibilité bancaire avec des services ouverts à 1,5 million de clients fragiles. Côté insertion professionnelle, BNP Paribas a lancé une procédure de recrutement sans utiliser de CV, qui conditionnent les choix. Le Crédit agricole a déployé un plan de 25 millions d'euros pour faciliter l'insertion des jeunes. Et la Société générale comptait plus de 2.600 salariés en situation de handicap en 2020.

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