Le Scandale «Suisse Secrets» est une pierre de plus dans le jardin de la banque qui collectionne ce genre de déboires ces dernières années… (Photo: Shutterstock)

Le Scandale «Suisse Secrets» est une pierre de plus dans le jardin de la banque qui collectionne ce genre de déboires ces dernières années… (Photo: Shutterstock)

La banque Credit Suisse est accusée par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project, un consortium regroupant 47 médias – dont Le Monde, The Guardian et le Miami Herald –, de continuer à se livrer à des opérations de blanchiment d’argent sale.

Credit Suisse est dans la tourmente. L’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) l’accuse, suite à une longue analyse menée par 152 journalistes de 39 pays, de continuer à mener des opérations de blanchiment d’argent. L’OCCRP a examiné plus de 18.000 comptes bancaires hébergés depuis le début des années 1940 et jusqu’à la fin des années 2010. Des données remises anonymement il y a un peu plus d’un an au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. 

Ces comptes appartenaient à 37.000 personnes et entreprises et les actifs atteignaient 100 milliards d’euros. Sur ce montant, 8 milliards sont liés à des «clients problématiques», selon l’OCCRP – des dictateurs, des hommes politiques corrompus, de grosses fortunes à l’origine illicite ou douteuse, des individus et des entreprises frappés par des sanctions internationales et des réseaux criminels ou mafieux –, pour qui «l’établissement financier a hébergé des fonds liés au crime et à la corruption plusieurs décennies durant», et ce «au mépris des règles de vigilance s’imposant aux grandes banques internationales».

Des affirmations «concernant les prétendues pratiques commerciales de la banque» que conteste «fermement» Credit Suisse.

Un héritage du passé…

«Les affaires présentées sont essentiellement historiques, remontant dans certains cas aux années 1940, et les comptes rendus de ces affaires sont basés sur des informations partielles, inexactes ou sélectives sorties de leur contexte, ce qui donne lieu à des interprétations tendancieuses de la conduite des affaires de la banque. Bien que, d’un point de vue juridique, Credit Suisse ne puisse pas faire de commentaires sur les relations avec des clients potentiels, nous pouvons confirmer que des mesures ont été prises conformément aux politiques et aux exigences réglementaires applicables aux moments concernés, et que les questions connexes ont déjà été traitées», peut-on lire dans un communiqué.

«Environ 90% des comptes examinés sont aujourd’hui fermés ou étaient en cours de fermeture avant la réception des demandes de la presse, dont plus de 60% ont été fermés avant 2015», poursuit la banque.

Cette dernière dit enquêter sur la source de la fuite de données à l’origine de l’affaire.

Pour Credit Suisse, c’est la place financière suisse qui est visée dans son ensemble. Pour la source à l’origine de la fuite des données qui ont atterri au journal allemand Süddeutsche Zeitung, il s’agit de dénoncer «le rôle honteux des banques suisses en tant que collaboratrices des fraudeurs fiscaux».

… mais des scandales bien actuels

Un héritage du passé? C’est la défense de la banque devant le tribunal pénal fédéral de Bellinzone, dans le canton du Tessin, devant qui elle comparait pour avoir blanchi l’argent d’un réseau bulgare de trafiquants de drogue entre 2004 et 2007.

L’OCCRP se pose des questions sur la volonté réelle de Credit Suisse de contribuer à la transparence financière amorcée sous la houlette du G20 et de l’OCDE. Le consortium estime que les pratiques mises en lumière ont toujours cours au sein de la banque et impliquent directement l’état-major de Credit Suisse. La banque proposerait à des «clients fortunés en quête de discrétion» toute une gamme de produits – les descendants spirituels des comptes numérotés anonymes – permettant d’opacifier la provenance de fonds.

Des clients issus de pays en voie de développement d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie ou d’Amérique du Sud. Les clients issus d’Europe occidentale ne représenteraient que 1% des acteurs potentiels.

Parmi les clients cités, on retrouve le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev, Armen Sarkissian, président d’Arménie jusqu’en janvier dernier, le roi Abdallah II de Jordanie, une foultitude de fonctionnaires de Tunisie, d’Égypte, de Libye, de Syrie et du Yémen «qui ont sorti de grosses sommes d’argent de leur pays au moment des printemps arabes», Robert Mugabe et un cadre du groupe Siemens qui a corrompu des fonctionnaires nigérians.

1,57 milliards de francs suisses de pertes pour l’exercice 2021

Il y a peu, Credit Suisse a été impliqué ces derniers mois dans plusieurs affaires retentissantes: la faillite de la société , celle du fonds américain , un scandale de corruption au Mozambique qui lui a valu en novembre une amende de 475 millions de dollars par les autorités américaines et britanniques et qui lui a valu une sanction de la Commission. La banque avait également, en 2014, dû s’acquitter d’une amende de 2,6 milliards de dollars aux États-Unis dans une vaste affaire de fraude fiscale.

Une des raisons souvent évoquées pour expliquer l’implication de la banque dans autant de scandales est celle du «manque de culture du risque». Nommé fin avril 2021 pour remédier à cela, António Horta-Osório a lancé une réorganisation des activités de la banque pour «remettre la gestion des risques au cœur de la culture de la banque». Mais il a été débarqué en décembre pour avoir enfreint les règles de quarantaine. Axel Lehmann lui a succédé.

Ce 10 février, la banque a annoncé une perte de 1,57 milliard de francs suisses due à l’insolvabilité du hedge Archegos Capital Management qui lui a coûté 5 milliards de dollars.